Vers une extension du dépistage du cancer du col de l’utérus au Kenya

Vers une extension du dépistage du cancer du col de l’utérus au Kenya

Nairobi – Le Kenya a mené à bien un projet pilote de dépistage du cancer du col de l’utérus au niveau communautaire en 2021 en utilisant le test de détection de l’ADN du papillomavirus humain afin d’étudier les moyens de généraliser de manière efficace l’emploi de ce type de tests dans tout le pays. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande le test de détection de l’ADN du papillomavirus humain, car ce test permet de détecter les souches à haut risque du papillomavirus humain contrairement aux analyses qui se fondent sur l’inspection visuelle. Dix-sept pour cent des plus de 10 000 femmes qui ont subi un test de dépistage au cours de la phase pilote d’un mois étaient positives au papillomavirus humain. Près de 90 % des personnes testées positives ont reçu un traitement.

La Dre Mary Nyangasi, cheffe de la Division Programme national de lutte contre le cancer au Ministère de la santé, évoque les résultats du programme pilote de dépistage communautaire et la faisabilité du déploiement du dépistage du papillomavirus humain dans le secteur public.

Pourquoi est-il important de décentraliser le dépistage du cancer ?

D’une manière générale, la faible couverture du dépistage a toujours entravé l’adoption des programmes de dépistage au Kenya, où la stigmatisation, le manque de sensibilisation, les obstacles socioculturels et le dépistage opportuniste sont érigés en norme. La réorientation politique vers l’intégration des services de dépistage dans les établissements de santé a changé la donne, et l’on exige désormais que le dépistage du cancer du col de l’utérus soit fourni dans le cadre des chartes de services proposés dans les établissements de santé. Le Kenya compte un peu plus de 12 000 établissements de santé, dont 5770 formations sanitaires publiques. Cependant, le dépistage du papillomavirus humain n’est pas une pratique usuelle dans les établissements publics au Kenya. En effet, plus de 90 % des établissements utilisent des méthodes d’inspection visuelle, tandis que le reste des établissements a plutôt recours au frottis vaginal, une pratique qui n’est pas optimale à cause de la disponibilité et de la capacité limitées d’un personnel qualifié et parce que les infrastructures nécessaires font défaut. Outre les perceptions socioculturelles existantes, le système de santé est d’ordinaire limité par un personnel de santé en nombre insuffisant, est confronté à diverses priorités concurrentes et doit relever des défis liés à la disponibilité des infrastructures requises pour le dépistage, toutes choses qui entravent généralement l’accès aux services de dépistage du cancer dans le cadre des soins primaires. Le dépistage du papillomavirus humain offre donc la possibilité de contourner ce problème en permettant une approche communautaire d’auto-échantillonnage du dépistage et en atteignant un plus grand nombre de femmes dans l’intimité de leurs domiciles.

Comment améliorer le dépistage du cancer du col de l’utérus par la méthode d’analyse de l’ADN du VPH ?

Alors que la durée moyenne du test de détection de l’ADN du VPH était de deux semaines, il a fallu jusqu’à un mois ou plus pour transmettre les résultats aux patients et les associer à une prise en charge plus poussée. Cela peut être amélioré par des systèmes qui aident à relayer les résultats aux patients par message sur téléphone mobile (SMS) afin que les patients soient informés dès que leurs résultats sont prêts.

S’il est vrai que la couverture globale a été supérieure à la moyenne nationale, il n’en demeure pas moins que cette couverture a été limitée par la disponibilité des produits. Par conséquent, il est très important de remédier aux inefficacités en matière d’approvisionnement pour garantir la disponibilité régulière de tous les produits de dépistage du papillomavirus humain nécessaires pour assurer un déploiement efficace du programme de dépistage du cancer du col de l’utérus basé sur l’analyse de l’ADN du papillomavirus humain. En outre, si le taux d’accès aux soins était supérieur à la moyenne nationale (75 % contre 26 % pour 2021), force est de reconnaître qu’il reste inférieur au niveau optimal requis pour atteindre l’objectif de l’élimination fixé à 90 % d’ici à 2030, d’autant plus que ce projet ciblait une population stable, en interaction régulière avec le système de santé, c’est-à-dire les femmes vivant avec le VIH qui fréquentaient les cliniques de soins complets. Il convient de noter qu’environ un quart de toutes les femmes testées positives au papillomavirus humain n’avaient pas fait l’objet d’un triage et qu’un mécanisme efficace et sûr de détection et traçabilité de ces femmes paraît nécessaire. La création d’une base de données nationale sur le dépistage, s’appuyant soit sur une plateforme de système de dossiers médicaux électroniques, soit sur un formulaire papier détaillé de saisie des renseignements sur les clients, peut améliorer le suivi des clients qui participent au dépistage.

Le projet a également mis en évidence une sous-notification importante. Cette situation souligne la nécessité de renforcer nos systèmes de gestion des données afin d’assurer un suivi efficace des femmes ayant subi un dépistage, dès l’établissement de santé où la mise en place d’équipes d’amélioration de la qualité chargées de surveiller les données, en prenant des mesures dans des domaines clés et en mettant en place des incitations basées sur les performances, ce qui pourrait améliorer les taux de notification. La transmission des données sur le dépistage du cancer à partir de l’établissement jusqu’au système d’information sanitaire du Kenya peut aussi être améliorée par un mentorat continu des équipes chargées des dossiers cliniques et des dossiers médicaux au sujet de l’utilité des données de surveillance dès le niveau de l’établissement.

Comment peut-on transposer à une plus grande échelle le dépistage du papillomavirus humain ?

Sur la base des résultats de ce projet pilote et de l’évaluation économique des cancers des femmes menée en collaboration avec la Banque mondiale, il est possible d’inclure les tests de détection de l’ADN du papillomavirus humain à 35 ans, puis à 45 ans, dans l’ensemble des prestations essentielles axées sur la couverture sanitaire universelle qui sont en cours d’élaboration afin que cette méthode de dépistage soit considérée comme un service essentiel de base qui doit être fourni aux femmes à n’importe quel niveau de soins. Cependant, il faudra des efforts concertés entre toutes les principales parties prenantes pour que cela fonctionne sans interruption des services.

En mettant en place des systèmes de dépistage du papillomavirus humain, nous pouvons tirer parti de ces mêmes systèmes de dépistage des cancers colorectaux et d’autres cancers comme le cancer du sein et le cancer de la prostate. Par exemple, il est possible de sensibiliser les agents de santé à la réalisation d’un examen clinique des seins lors de chaque consultation de dépistage du cancer du col de l’utérus, afin de réduire au minimum les occasions manquées de dépister le cancer du sein chez les femmes.

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