Élaborer des stratégies pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens en Gambie
Banjul – Il y a deux ans, la Gambie a entrepris une analyse afin d’optimiser sa capacité à combattre la menace posée par la résistance aux antimicrobiens. Cette analyse, première du genre dans le pays, a mis en lumière une augmentation de la tuberculose multirésistante et une résistance croissante des agents pathogènes aux antibiotiques fréquemment prescrits. Babanding Sabally, en sa qualité de directeur des services pharmaceutiques nationaux au sein du Ministère de la santé, présente les initiatives prises pour résoudre cette question de santé publique.
Quelle est la situation de la résistance aux antimicrobiens dans le pays ?
En 2021, une analyse de la résistance aux antimicrobiens a été réalisée pour la première fois afin de comparer les données sur la consommation d’antibiotiques dans les hôpitaux et au sein des communautés locales, lesquelles données ont été croisées avec les informations sur la résistance qui ont été recueillies dans les laboratoires.
L’analyse avait pour but de mieux comprendre les principaux défis liés à la lutte contre la résistance aux antimicrobiens, notamment le manque de sensibilisation du public, le manque de recherche et une surveillance insuffisante dans les secteurs de la santé humaine, de l’élevage et de l’environnement.
L’analyse soulève des inquiétudes concernant la montée graduelle de la tuberculose multirésistante, de la β-lactamase à spectre étendu (une condition dans laquelle des enzymes spécifiques libérées par une bactérie neutralisent les effets des antibiotiques) et de la résistance à certains antibiotiques couramment prescrits.
L’analyse menée suggère que même si les professionnels de la santé sont mieux sensibilisés à la résistance aux antimicrobiens, 90 % des hôpitaux ne mettent en œuvre aucun programme de gestion des antimicrobiens permettant de mesurer et d’améliorer la prescription des antibiotiques par les cliniciens ou l’utilisation de ces antibiotiques par les patients. À cela s’ajoute le fait que la gouvernance du processus d’utilisation des médicaments dans les hôpitaux reste lacunaire.
Dans l’ensemble, le bon fonctionnement de la plupart des laboratoires, essentiels pour le diagnostic, le traitement et la surveillance des antimicrobiens, ainsi que des résidus d’antibiotiques dans les aliments fréquemment consommés, est entravé par le manque d’équipements, de réactifs pour les tests, de personnel bien formé et de ressources financières.
Cette analyse a fourni les bases nécessaires pour orienter et renforcer les activités antimicrobiennes dans le pays.
Quelles mesures ont été adoptées pour combattre la résistance aux antimicrobiens ?
En raison du risque accru lié à la résistance aux antimicrobiens, la Gambie a élaboré en 2022 un plan d’action national entièrement chiffré sur la résistance aux antimicrobiens, comptant pour la période 2023-2027. Ce plan définit les mesures clés à mettre en œuvre d’ici 2027 pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens. Le plan d’action est aligné sur la politique nationale de santé et traite de manière plus étendue des questions environnementales.
Cette étape franchie, le groupe de travail sur les antimicrobiens se penche désormais sur la mise en œuvre des activités prévues dans le plan d’action. Depuis l’élaboration du plan d’action, la volonté et la collaboration des partenaires qui participent à l’approche « Une seule santé » ont été extrêmement positives. Il s’agit en effet d’une approche globale face à la question de la résistance aux antimicrobiens, mettant un accent particulier sur la santé humaine, la santé animale et les questions environnementales.
Le plan d’action national permet de garantir la faisabilité, la validité et l’applicabilité des initiatives prônée par l’approche « Une seule santé » dans le contexte gambien. De même, il reconnaît la nécessité de veiller à la pérennisation, notamment dans un contexte marqué par des ressources limitées.
Nous entendons mettre à profit cette opportunité pour nous réunir en vue d’établir des groupes de travail techniques et d’autres organes chargés de superviser et de faire progresser la lutte contre la résistance aux antimicrobiens dans le pays.
En avril 2023, nous avons mis en place un comité thérapeutique national pour les médicaments. Ce comité a pour mission d’aider à la sélection des antimicrobiens, de mettre en œuvre des interventions spécifiques visant à améliorer la prescription et l’utilisation des antimicrobiens, d’élaborer et de mettre à jour des lignes directrices et des protocoles sur les antibiotiques, de développer des politiques d’achat d’antimicrobiens, d’assurer la qualité et d’améliorer le respect des lignes directrices et des protocoles. Toutes ces interventions sont essentielles dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens.
Nous avons aussi dispensé une formation à un chercheur en laboratoire en Gambie sur l’utilisation de la plateforme du réseau des centres collaborateurs de l’OMS pour la surveillance des antimicrobiens et l’évaluation de la qualité (WHONET), connue comme le système mondial de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (GLASS). L’objectif de cette plateforme est de normaliser la surveillance mondiale de la résistance aux antimicrobiens. Cela nous permettra de déployer la plateforme WHONET dans tous les laboratoires de microbiologie du pays, facilitant ainsi la soumission annuelle des données relatives aux antimicrobiens sur la plateforme GLASS et, par la même occasion, améliorant notre système de gestion des données.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Un chercheur en laboratoire gambien a récemment suivi une formation organisée par l’OMS sur les tests de sensibilité aux antimicrobiens et la sécurité biologique à Johannesburg (Afrique du Sud). Les autres formations envisagées offriront l’opportunité d’acquérir de nouvelles compétences en matière d’identification bactérienne et de réalisation de tests de sensibilité aux antibiotiques. De plus, ces formations permettront de se mettre à jour sur les orientations mondiales essentielles liées à la résistance aux antimicrobiens.
Le plan d’action sera mis en œuvre à l’aide d’une plateforme coordonnée de collaboration et de partenariat, impliquant plusieurs parties prenantes. Il reposera sur la responsabilisation et la transparence partagées sur une période de cinq ans, avec des évaluations périodiques de la mise en œuvre.
Nous mettons également en place une gestion continue des antimicrobiens au petit hôpital universitaire Edward Francis de Banjul, qui est le seul hôpital universitaire de Gambie.
Il convient de préciser que toutes les activités réalisées à ce jour, tout comme les avancées enregistrées jusqu’à présent dans le domaine de la résistance aux antimicrobiens dans le pays, ont été accomplies sous la houlette du bureau de l’OMS en Gambie, avec le soutien financier du Royaume d’Arabie saoudite.
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