Lutte contre la résistance aux antimicrobiens au Ghana
Accra ‒ Le décès de sa mère il y a six ans a été un réveil douloureux pour Saviour Yevutsey. « Ce qui a commencé par une simple toux a entraîné un diagnostic de pneumonie », se souvient-il. « Après l’administration de plusieurs médicaments sans que son état ne s’améliore, ma mère a été orientée vers un autre hôpital de district, puis vers l’hôpital universitaire, pour y recevoir un traitement approfondi. »
Saviour a dépensé une fortune pour des médicaments qui n’ont pas apporté le soulagement nécessaire à sa mère qui est finalement morte, un souvenir qui le plonge encore dans la tristesse.
Il a découvert que sa mère avait été confrontée à une résistance aux antimicrobiens, qui se produit lorsque des germes comme les bactéries et les virus développent la capacité de vaincre les médicaments conçus pour les tuer. Cela rend les infections plus difficiles à traiter et peut entraîner une maladie grave, voire la mort. Il s’agissait de la première expérience personnelle de Saviour avec un germe résistant aux médicaments, même si dans sa fonction de haut responsable de la santé au Ministère de la santé du Ghana, il luttait depuis des années contre la résistance aux antimicrobiens.
Au Ghana, la prévalence de la résistance aux antibiotiques courants et accessibles à des prix abordables est supérieure à 70 %, selon une étude réalisée en 2011 par Mercy Newman et d’autres. Malgré cette forte prévalence, la sensibilisation de la population à la résistance aux antimicrobiens reste très faible. Plusieurs études ont apporté la preuve d’une résistance aux antimicrobiens avec certains germes qui entraînent des affections courantes telles que des infections de la gorge et des voies intestinales, montrant une multirésistance aux antibiotiques standard, dont certaines peuvent atteindre 78 %.
« Nous continuons de constater des tendances alarmantes de la résistance aux antimicrobiens au Ghana », déclare la Dre Joycelyn Azeez, responsable administrative en charge des pharmacies au Ministère de la santé du Ghana. « Par conséquent, en collaboration avec des partenaires de développement des secteurs de la santé, de la santé animale et de l’environnement, nous explorons des stratégies innovantes pour relever ce défi. »
Le gouvernement, avec le soutien de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et d’autres partenaires, intensifie les efforts de lutte contre la résistance aux antimicrobiens. L’OMS, en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a soutenu l’élaboration d’une politique quinquennale sur l’utilisation des antimicrobiens et la résistance à ceux-ci, ainsi que d’un plan d’action national chiffré du Ghana sur la résistance aux antimicrobiens, qui fournit une feuille de route pour les initiatives de lutte contre la résistance aux antimicrobiens dans le pays.
En plus, l’OMS a soutenu la création d’un secrétariat chargé de la lutte contre la résistance aux antimicrobiens et renforcé la capacité de ses membres à diriger et à mettre en œuvre le plan d’action national multisectoriel.
En collaboration avec le Programme spécial de recherche et de formation sur les maladies tropicales, l’OMS a formé des agents de première ligne des trois secteurs à l’utilisation des données de routine sur la résistance aux antimicrobiens à des fins de recherche. En conséquence, entre 2021 et 2023, 19 articles ont été publiés dans des revues scientifiques pour fournir des éléments probants pour la prise de décision locale et guider l’élaboration du deuxième plan d’action national en 2024.
En collaboration avec la FAO, l’Organisation mondiale de la Santé animale et l’Agence ghanéenne de protection de l’environnement, sous les auspices du Fonds d’affectation spéciale pluri-partenaires pour la résistance aux antimicrobiens, l’OMS a évalué les capacités de 20 laboratoires de santé humaine dans 11 régions du Ghana afin de déterminer leur aptitude à identifier les agents pathogènes susceptibles de provoquer des infections et à effectuer des tests pour déterminer quel type d’antimicrobien les traitera le mieux (test de culture et de sensibilité). À la suite de l'évaluation, les partenaires ont été en mesure de fournir une évaluation de base pour la comparer aux évaluations futures. Les partenaires ont aussi reçu du soutien en ce qui concerne le classement des antibiotiques conformément aux directives thérapeutiques standard du Ghana en suivant les classifications Accès, Surveillance et Réserve de l’OMS afin d’aider à orienter l’utilisation appropriée des antibiotiques. Cette classification est un outil destiné à la bonne gestion des antibiotiques aux niveaux local, national et mondial qui vise à réduire la résistance aux antimicrobiens. En plus, 15 établissements de santé privés ont été formés à une meilleure prévention des infections dans leurs établissements.
« Beaucoup plus de travail est fait pour renforcer les systèmes et les politiques du Ghana en matière de lutte contre la résistance aux antimicrobiens afin de préserver l’efficacité de ces médicaments essentiels », déclare le Dr George Hedidor, responsable technique de la résistance aux antimicrobiens et de l’Initiative structurée de recherche opérationnelle de l’OMS au Ghana.
Ensemble, les partenaires ont mené une enquête sur les germes résistants dans les déchets d’un certain nombre d’entreprises pharmaceutiques et abattoirs et élaboré des normes de biosécurité (qui aident à prévenir la propagation des germes aux humains, aux animaux, aux plantes et à l’environnement) dans l’industrie de l’élevage de porc, de poisson et de volaille. Une application mobile a également été mise au point à l’intention des pisciculteurs, qui sont désormais en mesure de documenter et de transmettre les données sur l’utilisation des antimicrobiens dans leurs fermes.
Ces activités ont été menées en s’appuyant sur l’approche « Une seule santé » qui réunit les partenaires afin d’assurer les meilleurs résultats en matière de santé pour les personnes, les animaux et les écosystèmes, de façon durable et équilibrée. L’approche reconnaît que la santé des êtres humains, la santé des animaux domestiques et sauvages, et la santé des plantes et de l’environnement au sens large sont étroitement liées et interdépendantes.
« Ensemble, nous devons donner la priorité à la pratique efficace en matière de prévention des infections, de sûreté biologique dans nos exploitations agricoles et de propreté de l’environnement, appliquer les réglementations sur les médicaments, renforcer les capacités des laboratoires en matière de surveillance et préserver l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement dans le cadre des efforts visant à lutter efficacement contre la menace croissante de la résistance antimicrobienne », déclare le Dr Francis Kasolo, Représentant de l’OMS au Ghana.
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