Au-delà des chiffres : l'impact réel du vaccin antipaludique au Kenya
Les soignants, les responsables de la santé et les bénévoles de santé communautaires témoignent de la mise en œuvre du vaccin antipaludique et la façon dont ce nouvel outil de prévention du paludisme peut sauver la vie des enfants à risque.
Le lac Victoria est le deuxième plus grand lac d'eau douce au monde et son plus grand lac tropical. Cet écosystème spectaculaire abrite une étonnante variété d'espèces d'oiseaux, de poissons et d’animaux. Mais ce même écosystème est malheureusement le lieu idéal de reproduction des espèces de moustiques responsables du paludisme.
Les spécialistes du paludisme désignent les zones entourant le lac comme la « région lacustre endémique » du Kenya. La plupart de ses habitants ont souffert du paludisme et beaucoup ont subi de terribles pertes, en particulier les enfants qui sont les plus fréquentes et les plus vulnérables victimes du paludisme.
« J'ai souffert dans mon enfance de plusieurs attaques de paludisme et j'ai vu des enfants atteints d'incapacité permanente », explique Vivienne, une mère de 5 enfants du marché de Chemelil, un village rural à l'extérieur de la ville de Kisumu. « Mes 3 aînés souffrent de fréquentes crises de paludisme pendant lesquelles ils perdent l'appétit, souffrent de fièvre, de diarrhée et de vomissements et deviennent très faibles ».
Cette expérience de toute une vie avec le paludisme est la raison pour laquelle Vivienne et d'autres mères de cette partie du Kenya étaient très enthousiastes lorsqu’est arrivé en 2019 le premier vaccin antipaludique au monde dénommé RTS,S/AS01 (ou RTS,S).
Ce vaccin est devenu disponible cette même année dans certaines régions du Kenya, ainsi qu'au Ghana et au Malawi, dans le cadre d'une phase pilote d’introduction placée sous l’égide du programme national de vaccination du Kenya et coordonné par le Programme de mise en œuvre de la vaccination antipaludique (MVIP) de l'OMS. L'objectif de cette phase pilote était d'évaluer l’utilisation du vaccin en termes de santé publique, en particulier savoir si les soignants amèneraient les enfants jusqu’aux cliniques pour respecter le schéma vaccinal de 4 doses et déterminer l'impact du vaccin dans son utilisation courante sur la réduction de la maladies et des décès causés par le paludisme.
Près de 4 ans plus tard, plus de 1,4 million d'enfants ont reçu le vaccin dans les 3 pays pilotes, dont 400 000 au Kenya qui ont reçu au moins une première dose.
Impacts de la mise en œuvre du vaccin antipaludique
« Quoi que nous utilisions auparavant, nous avions atteint un point où le fardeau du paludisme plafonnait, et nous avions besoin d'un outil supplémentaire », a expliqué le Dr Gregory Ganda, responsable de la santé du comté de Kisumu.
Plus de 3 ans plus tard, le vaccin est devenu un outil additionel important qui peut sauver des vies quand utlisé au côté des autres moyens de protection contre le paludisme, tels que les moustiquaires imprégnées d'insecticide, la pulvérisation intra domiciliaire à effet rémanent, le traitement préventif pour les femmes enceintes et les médicaments efficaces contre le paludisme.
Depuis l’introduction de la vaccination antipaludique dans certaines régions du Kenya, le nombre d'enfants de moins de 5 ans atteints de paludisme grave et hospitalisés a considérablement diminué et la mortalité infantile a baissé.
« Nous avons assisté au cours des 3 dernières années à une réduction significative des admissions pédiatriques pour cause de paludisme », ajoute le Dr Ganda. « C'est un sentiment formidable pour un médecin lorsque vous envisagez de fermer un service en raison de la diminution du nombre de patients. »
À la rencontre des enfants de la génération du vaccin antipaludique
Vivienne a entendu parler pour la première fois du vaccin antipaludique par Rose Akinyi, la bénévole de santé communautaire qui est venue chez elle peu de temps après la naissance de son 4ème enfant, Isaac. Au Kenya, les bénévoles de santé communautaires sont les maillons essentiels entre les soignants et le système de santé. Rose, après avoir vérifié l'état de santé d'Isaac et de sa mère, a informé Vivienne des différents vaccins régulièrement administrés au Kenya. Comme Vivienne habite dans l’un des 26 sous-comtés participant à la phase pilote, cette liste incluait la vaccination contre le paludisme.
Isaac a aujourd’hui reçu les 4 doses du vaccin antipaludique tandis que son jeune frère, Moses, âgé de 13 mois, a reçu les 3 premières doses.
« Isaac et Moïse ont beaucoup moins souffert du paludisme que mes autres enfants. Ils sont plus forts et ce fut beaucoup moins grave quand ils furent touchés par la maladie », ajoute Vivienne.
Dans le village voisin d’Homa Bay, la fille de Margaret Atieno, Stella, a récemment reçu la 3ème dose du vaccin. Margaret a expliqué comment elle souhaitait que ses enfants plus âgés puissent bénéficier de cette prévention supplémentaire.
« Être vacciné est important car le vaccin protège mon enfant », a-t-elle déclaré. « J'aimerais même que vous en ayez d’autres pour mes plus grands enfants et qu'ils soient protégés de la même manière que l’est Stella."
Dans l'ensemble, le verdict est incontestable : le vaccin sauve la vie des enfants, les soignants demandent que leurs enfants soient vaccinés et davantage d'enfants à risque bénéficient de cette prévention supplémentaire contre le paludisme.
« Le vaccin antipaludique a changé la donne et représente une avancée capitale. Nous avons vu la mortalité baisser chez les enfants de moins de 1 an et de moins de 5 ans. On ne pensait pas pouvoir disposer d’un vaccin contre le paludisme, et maintenant tout le monde est excité », a déclaré le Dr Gordon Okomo, directeur de la santé du comté de Homa Bay.
Le Kenya a récemment étendu la vaccination à d’autres communautés des régions pilotes, élargissant ainsi à plus de deux fois l'accès au vaccin antipaludique, et le ministère de la Santé s'est engagé à poursuivre progressivement son introduction.
Exploiter de nouvelles opportunités
La vaccination contre le paludisme crée également de nouvelles opportunités pour les agents de santé qui peuvent ainsi examiner des enfants qui ne viendraient pas autrement dans les centres de santé ou les hôpitaux et dépister chez eux l’absence d’autres vaccinations.
« Le programme de vaccination antipaludique a été une occasion qui nous a aidé à suivre les patients et… améliorer l'utilisation des autres vaccins », explique Maureen Atieno, infirmière responsable de la clinique de santé maternelle et infantile, à l'hôpital universitaire et de référence d’Homa Bay. « Quand le schéma vaccinal antipaludique est suivi, nous pouvons identifier les personnes qui ont arrêté d'autres vaccins, en particulier contre la rougeole et la rubéole. »
Regarder vers l’avenir
Au-delà du Kenya, la demande de vaccin antipaludique est sans précédent. Au moins 28 pays d'Afrique prévoient de demander le soutien de Gavi pour déployer le vaccin. L'approvisionnement initial est limité et sera alloué dans un cadre qui donne la priorité à la première vaccination des enfants vivant dans les zones les plus touchées. À mesure que l'offre augmente en réponse à la demande, le vaccin atteindra davantage d’enfants, dans et entre les pays d'endémie. Accroître l'approvisionnement pour tirer pleinement parti des bénéfices du vaccin est une priorité pour l'OMS, Gavi, l'UNICEF et les autres partenaires.
Note finale :
Le MVIP est le fruit de la collaboration des ministères de la Santé du Ghana, du Kenya et du Malawi, PATH, GSK, l'UNICEF, les partenaires d’évaluation basés en Afrique ainsi que d’autres partenaires. Il est financé par Gavi, le Fonds mondial et Unitaid. Open Philanthropy, basé aux États-Unis, a accordé une subvention à PATH pour l'expansion de l'utilisation du vaccin par les ministères de la Santé dans les régions pilotes, en collaboration avec l'OMS et en utilisant des doses de vaccin données par GSK.
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