Le Sénégal engage la bataille contre les dépenses catastrophiques de santé

Le Sénégal engage la bataille contre les dépenses catastrophiques de santé

Dakar – Moctar*, 56 ans vit en banlieue dakaroise, il fait partie des 18 941 ménages sénégalais qui supportent le poids de ce qui est communément appelé les dépenses catastrophiques de santé. « Je suis marié et j’ai quatre enfants. Durant les trois dernières années, j’ai dépensé en moyenne 150 000 FCFA par an pour les besoins en santé de ma famille, cela représente environ un quart de mes revenus », dit Moctar soulignant que ces dépenses sont un peu réduites car il est inscrit au sein d’une mutuelle de santé. « Mon fils de 3 ans a bénéficié de la gratuité des moins de cinq ans, mais pas pour tous les services. En définitive si tu n’as pas d’argent, tu risques de ne pas avoir accès aux soins dont tu as vraiment besoin », déplore-t-il.

Au Sénégal, le pourcentage des dépenses directes des ménages lié à la maladie est de 43,2 % pour une cible nationale de 20 %. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), lorsque les dépenses en santé d’un ménage sont supérieures à 40 % des revenus, elles sont dites « catastrophiques ». Une étude  conduite par l’OMS en 2019 révélait que les paiements directs de santé ont fait basculer 1,3 % des ménages en dessous du seuil de pauvreté.

Ces chiffres imposaient d’évaluer la stratégie de financement de la santé pour améliorer la protection des populations contre les risques financiers liés à la maladie et offrir un accès équitable à des biens et services de santé de qualité à davantage de sénégalais. C’est ainsi que le pays a fait appel à l’OMS pour conduire l’évaluation de la stratégie nationale de financement pour tendre vers la Couverture sanitaire universelle (CSU). Dans la sous-région ouest africaine, c’est le premier pays à avoir procédé à l’élaboration puis à l’évaluation de sa stratégie nationale de financement de la santé.

Pour satisfaire à cette demande, l’OMS a mobilisé une équipe d’experts multidisciplinaires et multisectoriels expérimentés dans les différents piliers de la CSU notamment les prestations des services, la protection financière et la gouvernance. « L’OMS est honorée d’avoir été choisie pour conduire la présente évaluation de la stratégie nationale de financement de la santé du Sénégal. Nous sommes fiers d’avoir pleinement satisfait aux attentes et aux exigences d’une telle évaluation, et démontré l’expertise technique avérée et la grande réputation de l’OMS en matière de CSU, s’il en était encore besoin », a déclaré Vincent Sodjinou, représentant résident par intérim de l’OMS au Sénégal.

Dans le cadre de cet accompagnement, les équipes d’experts ont organisé plusieurs missions de terrain au niveau national, régional ainsi que dans les districts sanitaires pour interroger les acteurs clés, et observer l’environnement de la CSU dans le pays. Les données collectées ont été analysées pour développer un rapport qui a été présenté le 6 septembre 2023.

L’évaluation de l’OMS a surtout porté sur quatre axes stratégiques, l’offre des services, la prévention contre les risques financiers, la multisectorialité et la mobilisation des ressources. En matière de forces, quoique les résultats attendus n’aient pas été entièrement atteints, des progrès notables ont été observés au niveau de certains indicateurs. C’est le cas de la réduction des dépenses de santé catastrophiques qui est passé de 1,4 % en 2017 à 1,1 % en 2019. On peut également citer la densification de l’offre des services avec la construction de plusieurs hôpitaux régionaux et des postes de santé, la mise en place d’un programme intégré de prévention et de prise en charge des maladies non transmissibles, l’élaboration du plan de relance de l’industrie pharmaceutique, la création de plusieurs programmes de gratuité et le renforcement des capacités en ressources humaines. De même, le budget alloué au secteur santé a augmenté d’au moins 31 % sur la période d’évaluation soit une hausse de 20 milliards de francs CFA entre 2022 et 2023.

En termes de domaines d’amélioration, il a été relevé l’absence de la mise en place du comité de pilotage multisectoriel, qui n’a pas permis une mise en œuvre optimale de la stratégie, et l’absence de dispositif de coordination multisectorielle au niveau régional. Des recommandations ont été faites pour une meilleure répartition des ressources humaines surtout en zone rurale et pour l’amélioration de l’accès équitable aux services de soins de santé. 

Optimiste, Marie Khémesse Ngom Ndiaye, la Ministre de la santé et de l’action sociale du Sénégal, a félicité l’OMS pour le travail abattu. « Au nom du gouvernement du Sénégal, je remercie l’OMS pour son appui constant et de qualité qui s’est à nouveau matérialisé dans la conduite de cette évaluation et les approches stratégiques proposées. »

En élaborant en 2017 la stratégie nationale de financement de la santé pour tendre vers la couverture sanitaire universelle (SNFS-CSU), le Sénégal définissait la voie à suivre pour assurer aux populations une protection sociale en santé. Maillon important dans l’engagement du pays pour la CSU, le financement de la santé, est aussi un des axes stratégiques du treizième programme général de travail de l’OMS.  

Tout comme les acteurs nationaux, les partenaires ont également exprimé leur confiance quant à la qualité de l’évaluation et à l’objectivité des recommandations qui une fois mises en œuvre permettront de réduire les dépenses en santé. Moctar se dit confiant : « nous espérons que les choses vont s’améliorer à l’avenir. »


*Nom d’emprunt
 

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Aïssata SALL

Chargée de Communication
OMS Sénégal
Email : sallai [at] who.int