Sénégal : recours aux outils de l’épidémiologie pour prévenir les décès maternels

Sénégal : recours aux outils de l’épidémiologie pour prévenir les décès maternels

Dakar – « En tant que sage-femme de métier, je ne suis pas d’accord avec l’adage qui dit qu’être enceinte c’est mettre un pied dans la tombe », confie Aïssatou Lô, coordonnatrice de la santé de la reproduction au district sanitaire de Kolda. « Donner la vie est un bonheur et doit pouvoir être vécu sans crainte. Malheureusement quelquefois nous assistons impuissantes à ces décès maternels. »

Selon les données des enquêtes démographiques de santé continues, au Sénégal, en 2017 le taux de mortalité maternelle était de 236 décès pour 100 000 naissances vivantes en baisse de 39,8 % par rapport à 2010 où le taux était de 392 décès pour 100 000 naissances vivantes . La mortalité infanto-juvénile a aussi enregistré une baisse très importante passant de 72 ‰ à 37 ‰ entre 2010 et 2019.

Si ces progrès sont remarquables, des efforts restent encore à fournir pour atteindre les cibles des ODD de 2030 fixés à moins de 70 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes et moins de 25 décès infanto-juvéniles pour 1000 naissances vivantes.

C’est pourquoi, depuis 2014 le pays a adopté l’approche dite de surveillance des décès maternels et néonatals et riposte (SDMNR) afin d’accélérer le rythme de décroissance et éliminer les décès évitables des mères et des nouveau-nés. Cette approche intègre une formation innovante axée sur le programme en épidémiologie de terrain (FETP), en anglais Field Epidemiology Training Program. La formation appuyée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), avec le soutien financier de la fondation Buffet, vise à renforcer les capacités de 150 professionnels en santé maternelle et néonatale dont des coordinatrices en santé de la reproduction, des maîtresses sage-femmes et des surveillants de services de pédiatrie.

L’innovation consiste à adapter les outils de l’épidémiologie de terrain afin de contribuer à la réduction des décès maternels et néonataux. La formation est structurée autour des compétences fondamentales utilisées dans la surveillance de première ligne, y compris l’utilisation des définitions de cas, la notification des événements, l’analyse et l’interprétation des données pour la prise de décision, ainsi que l’investigation des cas et la riposte.  Il faut noter que 80 % de la formation est pratique et se fait sur le terrain sous la supervision des mentors experts en FETP.   

S’alignant sur les recommandations de l’OMS, la première cohorte de formation en FETP appliquée à la surveillance des décès maternels et néonataux vient de boucler un programme de formation de trois mois. Aïssatou fait partie de la première cohorte de 25 de travailleurs de santé formés. « Désormais, devant un décès maternel, infantile ou néonatal, je suis en mesure de et de comprendre le cycle de surveillance et de  mener une investigation. La formation m’a permis d’améliorer la collaboration qui était très timide entre les points focaux de surveillance du district et du centre hospitalier régional et moi-même.» 

L’OMS assure que le programme FETP est un moyen efficace pour renforcer les capacités des pays en matière de surveillance épidémiologique, et de riposte face à tout événement de santé y compris la mortalité maternelle et néonatale. « L’adaptation de la formation FETP pour la surveillance et l’investigation des décès maternels et néonataux est une approche innovatrice majeure qui contribuera à l’atteinte des objectifs du développement durable », a déclaré Dr Vincent Sodjinou, Chef du bureau par intérim de l’OMS au Sénégal. L’OMS veillera au monitoring de la valeur ajoutée de cette initiative et va œuvrer pour son passage à l’échelle ». 

Traditionnellement utilisée pour la surveillance des épidémies, cette approche a été appliquée à l’audit et la surveillance des complications liées à la grossesse pour une meilleure « investigation » des cas de décès maternels, néonatals et de mortinaissances.

« Le défi est l’obtention de données de qualité et leur analyse à des fins de prise de décision pour prévenir les décès dits évitables. Cela passe nécessairement par des compétences en surveillance épidémiologiques de terrain adaptées à la santé maternelle et néonatale », a relevé Dr Amadou Doucouré, chef de la Direction de la Sante de la Mère et de l’enfant (DSME). « Le Ministère de la santé et de l’action sociale place beaucoup d’espoir sur ces acteurs formés pour contribuer à l’accélération de la réduction de la mortalité maternelle et néonatale ». 

« Aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir de meilleurs outils de surveillance des grossesses comme le partogramme et aujourd’hui l’outil FETP. Désormais, devant un cas à risque, nous savons comment faire la surveillance pour éviter des drames », explique fièrement Aissatou. « Nous sommes parées pour prévenir ces décès évitables. »

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Pour plus d'informations ou pour demander des interviews, veuillez contacter :
Aïssata SALL

Chargée de Communication
OMS Sénégal
Email : sallai [at] who.int