Sensibiliser pour résister aux antimicrobiens en RDC

Sensibiliser pour résister aux antimicrobiens en RDC

Kinshasa – « Je prenais de l’amoxicilline pour soulager des douleurs au bas ventre, que j’assimilais à des infections. C’est un ami qui m’avait conseillé cet antibiotique car cela avait marché pour lui. Je prenais 2 ou 3 comprimés pour me soulager et je me sentais mieux », confie Élysée, 28 ans, étudiant.

Avec le temps, il s’est toutefois rendu compte que l’antibiotique n’était plus efficace et les symptômes empiraient. Élysée s’est alors résolu à consulter un médecin qui, après des examens lui a révélé qu’il souffrait d’une infection, et que la bactérie responsable était résistante à l’amoxicilline et à bien d’autres antibiotiques, ce qui rend le traitement inefficace.

Cette inefficacité des médicaments face non seulement aux bactéries mais aussi aux virus, parasites et champignons est ce qu’on appelle la résistance aux antimicrobiens (RAM). Ce phénomène se produit lorsque les bactéries, virus, parasites et champignons deviennent résistants aux molécules qui sont censées les détruire. La RAM constitue aujourd’hui un problème de santé publique.

Pour venir à bout de cette situation, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) fournit un appui multiforme à la République démocratique du Congo (RDC). A la base, l’Organisation a soutenu l’élaboration du plan national multisectoriel de lutte contre la RAM suivi d’une enquête sur la consommation des antimicrobiens. Les résultats ont montré que la consommation des antimicrobiens est excessive et en forte progression dans le pays.

Selon les données de la RAM soumises au système mondial de surveillance de la résistance et de l'utilisation des antimicrobiens de l'OMS (GLASS) en 2022, les taux de résistance aux antibiotiques notamment le co-trimoxazole étaient respectivement de 70,69 % et 98,21 % pour Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae. La résistance aux céphalosporines de troisième génération était de 97,63 % et 100 % respectivement pour Klebsiella pneumoniae et Salmonella spp et la résistance à l’imipenème était de 45,38 % et 76,79 % respectivement pour Salmonella spp. et Klebsiella pneumoniae.

La sensibilisation des populations à la RAM constitue un axe prioritaire de la stratégie nationale appuyée par l’OMS. « Les antibiotiques restent très consommés en RDC. En fait, le challenge c’est d’amener les gens à se faire consulter avant toute prise d’antibiotique. En sensibilisant, nous insistons sur les risques de la prise des antibiotiques et antimicrobiens sans prescription médicale », explique Dr Léon Tshibuabua, Directeur de la pharmaco vigilance, essai clinique et la lutte contre la RAM. « Un autre aspect important est que nous sensibilisons le personnel soignant ainsi que les techniciens de laboratoire sur l’importance de réaliser des tests de sensibilité aux antibiotiques avant toute prescription médicale.  

A part cela, les médecins prescripteurs sont invités à sensibiliser les patients sur l’importance de respecter les doses prescrites ainsi que la durée du traitement recommandée. Généralement les patients ont l’habitude d’arrêter le traitement dès qu’ils se sentent mieux au bout des premières prises. « Le traitement doit être complet pour être efficace », martèle-t-il.

Les étudiants en médecine et pharmacie aussi sont mis à contribution dans la lutte contre cette menace sanitaire. En octobre 2022, le Centre universitaire de référence, de recherche et de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (CURS-RAM) a été créé. Son but, mieux former et informer les futurs médecins et pharmaciens sur les dangers de la RAM. Á ce jour, plus de 700 étudiants en sciences médicales et pharmaceutiques de l’Université de Kinshasa ont été sensibilisés, qui à leur tour font passer le message.

« Très souvent lorsque les patients achètent un antipaludéen, ils cherchent automatiquement un antibiotique à associer. Donc c’est notre devoir de les conseiller et de les sensibiliser », détaille Pélagie Iwaka Munkayebe, pharmacienne, soulignant que la disponibilité des antimicrobiens hors des circuits formels compromet la lutte. « Quand nous refusons de vendre les antibiotiques, les patients vont s’en procurer au marché noir. »

Pour maintenir la circulation et la consommation des antimicrobiens dans un circuit règlementé, le pays associe des mesures coercitives. Des officines qui exercent de façon illégale sont fermées et les responsables sont traduits en justice. Les formations sanitaires qui donnent des antibiotiques sans une évidence des résultats de laboratoire sont sanctionnées à payer des amendes. Le pays encourage l’usage rationnel des antimicrobiens dans le secteur humain, animal, végétal et environnemental.

« La résistance aux antimicrobiens est un grand fléau sanitaire que nous ne devons pas perdre de vue », rappelle Dre Marie France Kindambu, Point focal RAM au Bureau de l’OMS en RDC. « La RDC a enregistré des avancées dans la lutte contre la RAM notamment dans l’utilisation du logiciel WHONET, qui a pour avantage de faciliter la collecte, l’analyse et le rapportage des données sur la RAM au niveau des laboratoires. » A l’issue de formation, soutenue par l’OMS, les premières données de la surveillance de la RAM provenant de la RDC ont été soumises l’année dernière au système GLASS, auquel le pays avait souscrit depuis 2020.

Aussi l’Organisation appuie la RDC à étendre son réseau de surveillance de la RAM et à former le personnel des sites de surveillance. Cette année, deux sites sentinelles de surveillance de plus ont été implantés dans la Province du Kwilu portant à six le nombre des sites de surveillance dans le pays.

Afin de garantir l’efficacité et la durabilité du système national de surveillance de la RAM, l’OMS en collaboration avec l’Institut Pasteur d’Alger a renforcé les capacités des professionnels des laboratoires de Bactériologie des sites sentinelles à l’assurance qualité des antibiogrammes, à la détection des profils de résistance particuliers, à l’interprétation et au rapportage des données pour une bonne prise de décision.

Le bon usage des antimicrobiens demeure la clé pour une meilleure prévention de la RAM. « J’ai maintenant compris le danger que présente la prise des antibiotiques sans prescription médicale. Une fois que les microbes dans notre organisme deviennent résistants, nous sommes exposés », dit Élysée. « C’est la raison pour laquelle je ne prends plus les antibiotiques en automédication et aussi je conseille à mes proches de laisser le médecin poser un diagnostic pour prescrire le traitement le plus approprié. »

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