La chicha, un véritable danger pour la santé

La chicha, un véritable danger pour la santé

Bujumbura - « Je n’ai jamais fumé de la cigarette de ma vie, mais pendant plus 5 ans j’avais fumé de la chicha presque quotidiennement », raconte Mireille, une jeune burundaise, maman d’une fillette de 3 ans. « Tout a commencé avec un de mes cousins venu en vacances ici à Bujumbura. Il en fumait, c’est donc avec lui que j’ai goûté pour la première fois à la chicha et j’y avais pris goût », témoigne la trentenaire.

Elle avoue qu’à l’époque, elle ne s’était jamais souciée de la dangerosité du produit, même si elle avait entendu parler des risques sur la santé. Comme Mireille auparavant, nombreux sont les jeunes accros à la chicha qui estiment que ce n’est pas un produit de tabac, ou encore moins pas dangereux pour la santé. D’où le nombre de plus en plus élevé de jeunes à Bujumbura qui s’y adonnent, alors que fumer de la chicha est interdit dans le pays. Les amateurs de chicha se retrouvent clandestinement dès la tombée de la nuit dans des bars night clubs, ou encore des pubs, où ce type de service est offert.

La chicha est composée de 25 à 30 % de tabac, mélangé avec de la mélasse (sirop noir épais à base de canne à sucre) à hauteur de 70 %, de la nicotine, du monoxyde de carbone, d’arômes de fruits, de conservateurs et d’agents de texture. Les différents arômes utilisés lui donnent des goûts différents.

 « Le fumeur de pipe à eau et la personne exposée à la fumée, encourent les mêmes maladies pulmonaires, cardiovasculaires et cancéreuses que le fumeur de cigarette », souligne l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).  La quantité de goudron et de nicotine contenue dans le tabac à chicha est aussi élevée que dans une cigarette, même si la part des métaux lourds, comme le chrome, le plomb et le nickel, est relativement moins importante.

L’une des fausses idées souvent véhiculées pour encourager la consommation de la chicha est que les goudrons du tabac d’un narguilé sont moins cancérigènes que ceux d’une cigarette. Ce qui est totalement faux. Des études ont montré que la combustion plus douce du narguilé génère d’ailleurs plus de monoxyde de carbone  que la cigarette.

Contrairement à ce que pensent beaucoup de consommateurs de chicha, ce produit à base de tabac est extrêmement dangereux. « Une seule séance de chicha a le même impact sur la santé que le fait de fumer 30 ou 40 bâtons de cigarettes. La fumée de la chicha libère lors de la combustion près de 4000 substances chimiques », révèle le Pr. Thierry Sibomana, pneumologue à Kira Hospital de Bujumbura. « La chicha est préparée avec différents arômes qui lui donnent des goûts variés. C’est d’ailleurs l’un des points qui séduisent les consommateurs, surtout les jeunes, attirés par la variété des parfums disponibles », relève le pneumologue pour expliquer les causes de l’addiction chez la couche juvénile.

La consommation de la chicha présente aussi un risque élevé d’infection à cause de l’utilisation collective de son tuyau. « Fumer la chicha est plus sain que fumer des cigarettes, disent beaucoup de jeunes. C’est faux », martèle le professeur Sibomana. Les conséquences sur la santé sont les mêmes que pour la consommation régulière de tabac. « Sur huit patients que je reçois en consultation, au moins un présente des signes de pathologies liées à l’addiction à la chicha », souligne-t-il.

Le Burundi classe le tabagisme parmi les problèmes de santé publique du pays et déploie toute une stratégie pour sa lutte. En février 2006, la convention cadre est entrée en vigueur dans le pays, lui permettant de prendre diverses initiatives pour freiner le tabagisme notamment l’augmentation de la taxe sur les produits de tabac qui est fixée à 200 % depuis 2014.

« Nous sommes conscients que les nouveaux produits de tabac comme la chicha sont aussi dangereux que le tabac lui-même. C’est pour cela que nous avons interdit sa circulation dans le pays », a déclaré le Dr David Nzirubusa, Directeur adjoint du Programme national intégré de lutte contre les maladies chroniques non transmissibles (PILMCNT). « Nous mettons surtout l’accent sur la sensibilisation en particulier auprès des jeunes qui sont attirés par la chicha. Nous relevons le risque de santé qu’ils encourent. »

L’OMS appuie le Ministère de la santé dans cette lutte contre le tabagisme sous toutes ses formes. L’Organisation accompagne le pays notamment dans l’élaboration de directives relatives à la lutte contre la consommation du tabac, l’adoption de la loi cadre de lutte contre le tabagisme et la réalisation d’enquêtes dans la population pour apprécier l’ampleur de l’usage du tabac au sein de la couche juvénile.

« Dans notre lutte contre le tabagisme, nous ne faisons pas de distinction entre le tabac, ses produits dérivés et ceux à base de nicotine. Ils sont tous dangereux pour la santé », a déclaré le Dr Jerome Ndaruhutse, responsable du programme des maladies non transmissibles au bureau de l’OMS au Burundi. « La prise de conscience sur les risques est très importante. C’est pourquoi nous sommes aux côtés du Ministère de la santé pour sensibiliser sur les dangers liés au tabagisme. Les consommateurs de ces produits doivent savoir qu’en fumant, ils se tuent à petits feux. » 

Enceinte, Mireille a été sensibilisée sur les conséquences du tabac sur sa santé et celle de son futur bébé lors de la consultation prénatale. « J’ai arrêté sans hésiter quand j’étais enceinte. J’avais regardé une vidéo qui parlait des effets néfastes du tabac et des produits assimilés sur l’évolution de la grossesse et la santé du bébé. Je n’ai pas réfléchi deux fois. J’ai décidé d’arrêter et j’ai arrêté », relate la jeune dame.

Ayant une meilleure santé et moins de problème de gorge après l’accouchement, Mireille a compris que la chicha nuisait à sa santé. « La chicha n’est pas différente de la cigarette. Ils mettent des arômes pour attirer mais c’est du poison », ajoute-t-elle. « Quand on se soucie de sa santé et celle de ces proches, il faut renoncer à ces ‘’déchets’’. Ne nous tuons pas avec de la chicha. Nous méritons tous de vivre en bonne santé. »

Cliquez sur l'image pour l'agrandir
Pour plus d'informations ou pour demander des interviews, veuillez contacter :
Abd Razzack SAIZONOU
Communication Officer 
OMS Burundi
Email: saizonoua [at] who.int