Des structures de santé impactées par le changement climatique
« Deux fois successivement durant ces quatre dernières années, l’hôpital de Gozator dans le 10e arrondissement de la capitale N’Djamena, est gravement frappé par les inondations. L’année dernière en 2022, nous étions obligés de fermer l’hôpital pendant 3 mois. Au début, le personnel de santé travaillait dans des conditions difficiles pour assurer les services d’urgence mais n’avons pas pu tenir très longtemps » déplore Dr Rozz TCHIOU.
Devenu inaccessible pour les 457 000 habitants du district N’Djamena Est couvert par cet hôpital, ces populations étaient contraintes de faire une plus longue distance pour trouver des services de santé.
« A la réouverture de l’hôpital, les activités curatives et préventives ont été réduites de 50% notamment les visites de consultation prénatale, la vaccination et certaines maladies comme la diarrhée, le choléra, la poliomyélite, le paludisme entre autres ont resurgit. » poursuivit Dr Rozz.
En effet, d’après le rapport de situation du 10 sept 2020 de OCHA (agence onusienne) sur les inondations ; une analyse faite au Tchad par l'Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR) comparant les précipitations entre 2015, 2019 et 2020 pour les mois de mai, juin et juillet montre une dégradation et une forte augmentation des précipitations pour chaque mois observé et d'une année à l'autre ; ne laissant point indemne le secteur de la santé.
Cette crise climatique menace gravement la réalisation de la couverture sanitaire universelle de diverses manières, notamment en accentuant la charge de morbidité existante et en exacerbant les obstacles à l’accès aux services de santé, souvent au moment où ils sont le plus nécessaires.
En réalité, dans sa configuration géologique, Gozator est un bas-fond faisant du quartier le point convergence des eaux de pluies. L’absence des infrastructures de drainage et d’évacuation des eaux de pluies, fait que l’eau se dirige naturellement vers l’hôpital. « La construction des structures de santé devrait davantage tenir compte des réalités géologiques et climatiques du terrain » suggère Dr Rozz.
De même, sur certains axes au Sud du Tchad, des villages sont coupés des centres de santé par des mares d’eaux de pluies qui parfois inondent les champs puis condamnent certaines populations à l’insécurité alimentaire.
Suivant le rapport final de l’enquête national SMART publié en 2021 sur la nutrition et la mortalité rétrospective, la prévalence de la Malnutrition Aiguë Globale (MAG) dans le pays est de 10%, qui est à la limite du seuil d’alerte de 10% fixé par l’OMS (source : enquête national SMART publié en 2021). Les effets des chocs climatiques associés aux conflits et migrations exacerbent ces diverses situations de malnutrition.
« Le changement climatique est la plus grande menace pour la santé à laquelle l’humanité est confrontée. Bien que personne ne soit à l’abri des conséquences du changement climatique sur la santé, ce sont les personnes les plus vulnérables et les plus défavorisés qui en pâtissent le plus. Des approches holistiques d’interventions sont nécessaires pour rendre le système de santé plus résilient face à l’impact du changement climatique en agissant sur différents leviers des déterminants de la Santé. » souligne Dr Moialbaye Magloire Tampélé, responsable de la Promotion de la Santé et des déterminants sociaux de la santé pour le bureau de l’OMS au Tchad.
« Pour une meilleure résilience des structures de santé au Tchad, le Ministère de la Santé a besoin de se faire accompagner par les autres Ministères qui peuvent agir sur certains déterminants de la santé telles que les infrastructures routières, sanitaires, communautaires, l’urbanisation, l’hygiène, l’assainissement et la sécurité de l’eau afin d’engendrer un impact positif sur la santé des populations » complète Dr Tampélé.
En synergie avec d’autres partenaires, l’OMS se mobilise pour doter le Tchad d’un Plan National d’Adaptation (PNA) du secteur santé au Changement Climatique.
D’après le rapport sur le Profile risque climatique, le Tchad est l’un des pays où, selon les projections, les températures devraient augmenter considérablement, pouvant atteindre 5°C d’ici 2100, ce qui entraînerait une fréquence accrue des vagues de chaleur au Tchad et donc une recrudescence de la mortalité associée à la chaleur (Source : rapport GIZ. 2021. Profile risque climatique : Tchad). A cet effet, l’OMS plaide pour un travail étroit avec les experts et les organisations partenaires dans le domaine de la santé publique, animale et environnementale pour réduire les risques sanitaires dus au changement climatique.