Recherche en santé au Tchad : vers la mise en place d’une stratégie nationale
« Le non-respect du port obligatoire du casque pour les usagers de motocyclettes occasionne des morts dans la population jeune et active de notre pays. Elle cause aussi des hospitalisations prolongées à cause des lésions (fractures ouvertes, traumatismes cranio-encéphaliques…) et de longues périodes de réhabilitation. Les accidents de motos représentent 21% des admissions aux urgences chirurgicales de l’Hôpital Général de Référence de Référence Nationale de Ndjamena et plus du tiers (35%)[1] des accidents de la voie publique. Les dépenses de santé à charge de l’Etat et des familles sont considérables. Le port du casque pour les usagers de motocyclettes est un acte citoyen qui peut sauver la vie et non une mesure de répression policière. », a conclu Monsieur Choua Ouchemi, Professeur des Universités CAMES, Chef de Service Chirurgie Générale au CHU de Référence Nationale de Ndjamena et Enseignant-Chercheur à la Faculté des Sciences de la Santé Humaine de l’Université de N’Djamena. Cette dernière conclusion est le résultat de recherche dudit Professeur sur « Les accidents de motos à N’Djamena : plaidoyer pour le port de casque », un des phénomènes du quotidien de la population qui attirent l’attention des chercheurs en santé pour contribuer à trouver des solutions. Cet évènement de santé publique, en plus d’affecter la santé de la population, impact aussi leur situation économique. En effet, ces jeunes et valides personnes victimes d’accidents de la voie publique sont les principaux pourvoyeurs de richesses dans les familles, a démontré l’étude du Professeur Choua Ouchemi.
La recherche, cette discipline qui permet de fournir des bases rationnelles à la prise de décisions, habituellement dans un but de contrôle ou d'optimisation se fait au Tchad par des éminents chercheurs et chefs de programme.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit la recherche comme l’acquisition de connaissances dans le but de comprendre les problèmes de santé et de mieux y remédier. Cette définition embrasse l’intégralité de la recherche, laquelle comprend cinq grandes fonctions : mesurer un problème ; comprendre sa ou ses causes ; élaborer des solutions ; à partir de ces solutions ou des données scientifiques obtenues, concevoir des politiques, des mesures concrètes et des produits ; et évaluer l’efficacité des solutions.
L’OMS sous-tend aussi que la recherche scientifique apporte une contribution très importante aux efforts pour préserver la santé et combattre les maladies. Cependant quelle est la situation de la recherche en santé au Tchad ?
Selon le chargé de programme des maladies non transmissibles et de paludisme de l’OMS Tchad, Dr DJIMRASSENGAR, l’analyse de la situation au Tchad montre que le travail de recherche se fait surtout soit au niveau des institutions ou soit au niveau des chercheurs qui conduisent leurs travaux dans le cadre de leur secteur respectif. Cette approche peu coordonnée ne valorise pas suffisamment le travail scientifique et ne profite point aux populations. « Il est temps que ces recherches qui concernent des problèmes de santé publique, pour la plupart, puissent profiter à cette même population en plus du chercheur. » poursuivit Dr DJIMRASSENGAR.
En réalité, lorsque la recherche est bien coordonnée, les résultats peuvent être traduits en notes techniques afin que les programmes du Ministère de la Santé publique et de la prévention l’intègrent dans un plan d’action pour adresser le problème de santé publique.
Il était donc opportun d’envisager la mise en place d’une stratégie nationale pour la recherche en santé afin d’améliorer la coordination, la mobilisation et l’utilisation des ressources.
Ainsi en cette année 2023, le Tchad a initié sa proposition de plan stratégique sur la recherche en santé grâce à l’appui technique et financier de l’OMS et ses partenaires.
Une première au Tchad, ce plan stratégique de recherche en santé voudrait que, les décisions et les actions visant à améliorer la santé et à instaurer une plus grande équité en santé, reposent sur des données issues de la recherche.
Selon l’expert de l’OMS recruté pour ce projet, Professeur Smaila OUEDRAOGO, le plan stratégique de recherche en santé du Tchad ainsi conçu par les principaux acteurs de la santé est planifié sur une durée de sept ans puis est aligné au quatrième Plan National de Développement Sanitaire PNDS4, en cours, ainsi qu’aux Objectifs de Développement Durable. Le coût estimatif du plan est de 32 milliards soit 1,5% du Budget de ce PNDS4.
Son objectif principal est d’accroitre l’impact des programmes sanitaires sur la réduction de la mortalité et de la morbidité, donc l’amélioration de l’état de santé des populations.
A ce jour, l’étape primordiale du Tchad sur ce processus est l’appropriation du Plan stratégique de la recherche puis plaider pour son financement auprès des partenaires. Suivant cette approche sur la recherche en santé les chercheurs se feront accompagner dans leurs travaux par le Ministère de la Santé Publique et de la Prévention puis les résultats de leurs études seraient valorisés et mis au profit de la population.
« Nous voyons un grand bien de cette stratégie de recherche en santé pour le Tchad, car elle va enfin permettre la synergie d’action entre la cohorte scientifique et le Ministère de la Santé Publique et de la prévention. La stratégie va enfin permettre la jonction directe entre les programmes de santé, les universitaires et les médecins des centres hospitaliers car ces derniers sont à même de définir les champs d’action de certains problèmes de santé. » confia avec satisfaction le Professeur Choua Ouchemi.
[1] *Source : Bulletin N°074 de Toumaï Action, Lettre mensuelle au service de la recherche et développement éditée par le Centre National de Recherche pour le Développement