A nouveau confronté à la menace du choléra, Madagascar se prépare pour fermer la voie à une éventuelle épidémie.
Mahajanga - « L’épidémie de choléra de 1999, fut surprenante. La maladie tuait beaucoup de personnes au début de sa frappe. Puisque les facteurs de risque de propagation sont là à Madagascar, il n’est pas question d’attendre l’épidémie pour bien s’assurer que nous pouvons attaquer », déclare le Professeur Mamy RANDRIA, infectiologue, Chef de service des maladies infectieuses au Centre Hospitalier Universitaire Joseph Raseta Befelatanana (CHUJRB) à Antananarivo.
Chaque année dans le monde, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 95.000 personnes meurent du choléra et 2,9 millions contractent cette maladie qui touche de nombreux pays d’Afrique. Actuellement, 13 pays en Afrique sont touchés par cette épidémie notamment l’île Comores qui a déclaré la réémergence de l’épidémie de choléra le 2 février 2024.
Suite à la confirmation des cas de choléra dont six décès importés de la Tanzanie aux Comores, Madagascar se voit à nouveau confronté à la menace du choléra avec cette épidémie dévastatrice sévissant dans les pays voisins. Même si jusqu’à présent, aucun cas, même suspect, n'a été déclaré officiellement dans le pays, Madagascar toujours marqué par le traumatisme d'une épidémie en 1999 ayant coûté la vie à plus de 1,500 personnes sur la grande île, se tient en première ligne de défense du côté du district de Mahajanga en raison de sa proximité avec l'archipel comorien par voie maritime.
Le voyage en bateau entre le district de Mahajanga, ville portuaire de la côte nord-ouest du pays, et l'archipel comorien qui se trouve à 345 km de Madagascar, prend généralement entre 44 et 48 heures. Tandis que les vedettes rapides, peuvent effectuer la traversée en seulement 7 heures. En revanche, une option plus rapide est offerte par les trois vols hebdomadaires reliant les Comores à l'aéroport international Philibert Tsiranana à Amborovy, district de Mahajanga,chef-lieu de la région Boeny avec une durée de vol d'environ une heure.
Cette proximité augmente l’inquiétude et contraint le ministère de la Santé publique de l’État Malagasy, l’OMS et les partenaires à anticiper dans un besoin urgent les différentes mesures de renforcement des capacités de préparation, de Prévention et Contrôle des Infections notamment au niveau des formations sanitaires et des points d’entrée. L’objectif consiste à contribuer à la réduction des risques d’une éventuelle épidémie de choléra sur la grande île.
Depuis février, les frontières font l'objet d'une surveillance renforcée. Les passagers en provenance du pays voisin doivent se plier à des consignes strictes dès leur arrivée. Dès qu'ils descendent de l'avion, tous les passagers doivent suivre une série de mesures de prévention. Celles-ci incluent des protocoles rigoureux comme la désinfection par pédiluve et le lavage des mains avec du savon dès l'atterrissage, ainsi que la pulvérisation d'un désinfectant sur tous les bagages à main et en soute, selon les recommandations du ministère de la Santé publique et de l'OMS.
« Le Ministère de la Santé publique, avec l’appui de ses partenaires comme l’OMS, tire des leçons cruciales de ce passé douloureux pour faire face à cette nouvelle menace qui nous inquiète tous. Ceci explique tous ces efforts que nous multiplions pour ne plus jamais revivre l’expérience douloureuse de 1999. Toutes les formations sanitaires sont en état d'alerte, prêtes à faire face à une éventuelle épidémie », explique le Professeur Mamy RANDRIA, infectiologue, Chef de service des maladies infectieuses au Centre Hospitalier Universitaire Joseph Raseta Befelatanana (CHUJRB) à Antananarivo.
Au mois de juin 2024, l’OMS a offert une formation à 76 agents de santé (Médecins, paramédicaux, agents de surface) au niveau du district de Mahajanga, pour améliorer leurs connaissances et compétences en termes de Prévention et Contrôle des Infections - Eau Assainissement Hygiène (PCI-WASH). Ce renforcement des capacités a permis aux participants de repartir avec des nouvelles connaissances sur le choléra, comment le prévenir, contrôler et comment le prendre en charge.
« La préparation et la prévention sont des étapes très importantes pour nous. Avec cette formation, j’ai appris la surveillance des diarrhées, le dosage de chloration qui permet d’éliminer de façon simple la plupart des microbes, bactéries, virus et germes responsables de maladies comme le choléra. J’ai également appris la manipulation des cadavres qui est un exercice tout aussi important que la prise en charge du patient atteint de choléra », témoigne le Dr. Perle TODIARIVO, Médecin chef du centre intégré de Mahabibo, district de Mahajanga, participante à la formation.
Dans le cadre du partenariat entre l’OMS et la Russie pour appuyer les services essentiels de santé à Madagascar, un don d’aide humanitaire venu de la Russie, d’une valeur d’environ 120,000 USD essentiellement constitué de médicaments et équipements médicaux avait été remis également au ministère de la Santé publique au mois de juin dernier.
« Ces dons arrivent à point nommé pour renforcer la lutte contre le choléra, réduire la charge de morbidité et limiter sa propagation ainsi que celle de bien d’autres maladies diarrhéiques et entériques. Ces médicaments, gratuits, aideront les populations vulnérables en période de flambées. Nous sommes prêts et bien outillés désormais pour une réponse rapide », a rassuré le Professeur Laurent MUSANGO, Représentant Résident de l’OMS à Madagascar.
Par ailleurs, les opérations de sensibilisation battent leur plein dans le pays surtout dans le district de Mahajanga, avec des affichages dans les quartiers ainsi que dans des lieux de rassemblement tels que les stationnements, les établissements scolaires et les marchés. Des spots informatifs sont diffusés régulièrement à la télévision et à la radio, mettant l'accent sur les bonnes pratiques à adopter.
« Les populations sont vivement encouragées à privilégier les repas chauds, à observer rigoureusement l'hygiène sociale, et à se laver les mains avec du savon après avoir manipulé des objets potentiellement sales, en particulier après chaque défécation afin de renforcer la prévention contre la propagation du choléra », a conseillé le Professeur Mamy RANDRIA, infectiologue, Chef de service des maladies infectieuses au Centre Hospitalier Universitaire Joseph Raseta Befelatanana (CHUJRB) à Antananarivo.