Le Nigéria cherche à éliminer une maladie buccale grave et souvent mortelle
Dr Shafiu Isah, Médecin chef à l'hôpital pour les enfants atteints de noma de Sokoto, dans le nord-ouest du Nigéria, consacre ses journées à soigner les enfants souffrant d'une maladie négligée dont peu de gens ont entendu parler.
Le noma est une maladie gangreneuse qui attaque les tissus et les os du visage. Sans traitement, elle tue en quelques semaines environ 90 % de ses victimes, dont la plupart vivent dans des zones rurales difficiles d'accès. « En raison de l'extrême pauvreté et du manque de sensibilisation, malheureusement, beaucoup de ces enfants meurent chez eux sans même arriver à l'hôpital », explique le Dr Isah, ce qui ne fait qu'aggraver les importantes lacunes dans les connaissances sur cette maladie évitable et traitable.
En l'absence de données épidémiologiques fiables, une estimation de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) datant de 1998, qui chiffre à 140 000 le nombre de nouveaux cas par an, reste la source la plus largement citée concernant le noma. La majorité de ces cas sont observés en Afrique subsaharienne chez des enfants âgés de deux à six ans.
Même pour ceux qui survivent à la maladie, s'ils ne sont pas traités immédiatement, il suffit de quelques jours pour qu'ils se retrouvent avec de graves défigurations faciales qui les empêchent de manger, de parler, de voir ou de respirer. Cette situation entraîne souvent une stigmatisation grave au sein des communautés et des cas de violations des droits humains.
« Parfois, lorsque le patient se présente à l'hôpital, il n’a plus de mâchoire inférieure et les voies nasales sont abimées », explique le Dr Abubakar Abdullahi Bello, Président du comité médical consultatif de l'hôpital pour les enfants atteints de noma de Sokoto.
« Toutefois, si les cas se présentent tôt à l'hôpital, il n'y a pas de tels problèmes. Ce que nous préconisons, c’est de venir tôt à l’hôpital. Ainsi, nous pouvons également réduire la durée du séjour et ces patients ne subiront pas d'intervention chirurgicale. »
Le noma peut être évité par des interventions de santé publique de base telles que l'amélioration de la nutrition et de l'hygiène bucco-dentaire, le contrôle des comorbidités comme la rougeole, le paludisme et le VIH, et l'amélioration de l'accès à la vaccination de routine.
Ces dernières années, le Nigéria a cherché à mieux faire connaître le noma et à intensifier les activités de riposte dans le cadre de son engagement à éliminer cette maladie invalidante. Depuis 2016, il fait partie des 10 pays prioritaires du Programme régional africain de lutte contre le noma de l'OMS.
Par ailleurs, le Nigéria a élaboré et mis en œuvre le plan d'action national du programme pour la prévention et la lutte contre le noma en collaboration avec l'OMS et d'autres partenaires.
Le Ministère nigérian de la Santé a intégré le noma dans son système de surveillance et l'a incorporé aux programmes de toutes les écoles nationales et des écoles de district des professionnels de la santé, et le pays commémore désormais une journée nationale de lutte contre le noma, chaque année en novembre.
Le financement de l'OMS, ainsi que de Médecins Sans Frontières (MSF), a également aidé le ministère à intensifier la formation des agents de soins primaires, 741 d'entre eux ayant reçu une formation sur le noma en 2021 et au premier semestre de 2022.
Le 28 juillet 2022, l'OMS a lancé un nouveau cours gratuit et interactif en ligne sur le noma hébergé sur OpenWHO, la première plateforme de l'OMS à accueillir un nombre illimité d'utilisateurs lors des urgences sanitaires.
« Ce cours sera un outil d'auto-apprentissage utile pour les travailleurs de la santé afin d'accroître leur capacité à prévenir, à identifier, à traiter le noma et à référer les patients, en tenant compte à la fois des aspects de santé publique et des droits de l'homme. Les responsables de la lutte contre le noma aux niveaux national et du district peuvent également utiliser le matériel de cours pour former les agents de soins primaires », déclare Yuka Makino, Responsable technique de la santé bucco-dentaire au Bureau régional de l'OMS pour l'Afrique.
A l'hôpital pour les enfants atteints de noma de Sokoto, le Dr Isah est encouragé par l'attention accrue portée par son pays au noma après tant d'années de négligence. « Cette maladie n'est toujours pas très bien connue dans nos communautés, y compris parmi les travailleurs de la santé, qui la confondent souvent avec le cancer ou d'autres maladies. Mais je suis optimiste et je pense que cela commence à changer », dit-il. « Avec l'aide d'autres parties prenantes, je pense que nous faisons des progrès. »
L'optimisme de Dr Isah est justifié. Depuis que l'hôpital a ouvert ses portes en 1999, il est le seul établissement spécialisé dans le noma au Nigéria. Mais en mai de cette année, Nigeria Aids Noma Initiative (NANI) a entamé la construction d'un nouveau centre national de traitement du noma de 100 lits, financé par l'association allemande à but non lucratif Hilfsaktion Noma e.V., dans l'enceinte de l'hôpital national d'Abuja, la capitale du pays.
Souvent après avoir été identifiés par les équipes de sensibilisation de l'hôpital, les patients atteints de noma viennent à Sokoto en provenant de tout le pays à la recherche d'un traitement. Mulikat Okanlawan a été l'une des premières personnes à être soignées. Il y a plus de 20 ans, et après de nombreuses années de référencements et d'opérations ratées dans d'autres établissements, elle a parcouru quelque 1000 km de Lagos à Sokoto pour recevoir des soins spécialisés et enfin trouver l'espoir.
« Avant je pleurais tous les jours. Je ne fréquentais personne à cause de la stigmatisation. J'étais seule. Mais après avoir été traitée ici, tout a changé. J'ai commencé à m'admirer. J'ai commencé à avoir des relations avec d'autres personnes. J'ai poursuivi ma scolarité. J'ai commencé à faire tout ce que je ne pouvais pas faire avant », témoigne-t-elle.
Après avoir terminé ses études supérieures à l'école locale de technologie de la santé de Gwadabawa, Mulikat travaille désormais comme responsable de l'hygiène à l'hôpital pour les enfants atteints de Noma de Sokoto, où elle apporte également un soutien psychosocial aux patients.
« Ces patients qui viennent à l'hôpital, ils peuvent voir que j'étais comme eux, mais maintenant je vais mieux et je travaille », dit-elle. « Cela contribue à leur donner du courage ».
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