Comment gérer les vagues de cas graves de COVID-19 en Afrique
Accra – L’Afrique affiche le taux le plus élevé au monde de mortalité des patients touchés par une forme sévère de la COVID-19, même si le continent enregistre par ailleurs le plus faible taux d’infection et de mortalité par la COVID-19 au monde, selon une étude récente publiée par la revue The Lancet. La pénurie de ressources pour les soins critiques et leur sous-utilisation font partie des facteurs qui contribuent à cette situation. Le Dr Christian Owoo, maître de conférences au Département d’Anesthésie de la Faculté de médecine de l’Université du Ghana, consultant en anesthésie intensiviste et chef de l’unité des soins intensifs au Korle Bu Teaching Hospital d’Accra, évoque les moyens de prévenir les cas graves de COVID-19 et d’éviter une augmentation du nombre de décès.
Quels sont les dangers associés au fait que les hôpitaux soient submergés par des patients atteints de la COVID-19 ?
Si les hôpitaux en Afrique sont submergés par des patients atteints de la COVID-19, il y aura très probablement une augmentation exponentielle du taux d’infection (chez les patients, chez les travailleurs de la santé comme dans la communauté) et du nombre de cas graves ou critiques de COVID-19, ainsi qu’une hausse du nombre de décès. Les hôpitaux seront débordés, ce qui influera négativement sur la prise en charge des patients qui ne sont pas atteints de la COVID-19, en particulier les patients souffrant de maladies chroniques, sur les chirurgies programmées, sur les urgences médicales et chirurgicales et la prise en charge de malades en phase critique, entraînant un excès collatéral de morbidités et de décès non liés à la COVID-19.
Quels sont les enseignements qui ont été tirés des précédentes vagues de COVID-19 et de la prise en charge des cas graves de cette maladie ?
Nous avons tiré des enseignements des insuffisances de nos systèmes de santé, des interventions qui se sont avérées efficaces pour réduire de manière notable les formes graves ou critiques de la maladie et la mortalité qui lui est associée, et nous avons retenu des leçons des interventions qui ne fonctionnent pas ou qui se révèlent même nocives.
Nous avons également appris que les meilleurs résultats du traitement des cas graves ou critiques sont induits par l’identification précoce des patients à risque, par la prévention de la progression vers une forme sévère de la maladie et par le traitement agressif précoce des cas graves avant l’apparition de complications et le dysfonctionnement d’organes provoqué par la maladie. Parmi ces interventions, on peut citer : la réanimation et la stabilisation d’urgence précoces ; l’administration appropriée et précoce d’oxygénothérapie et d’anticoagulants ; l’utilisation appropriée de corticostéroïdes et d’antimicrobiens ; la prise en charge des comorbidités ; et les thérapies nutritionnelles, physiques et psychologiques. Cette approche requiert beaucoup de coordination et une vaste mobilisation de ressources, dont la plupart ont très fortement diminué, sont exténuées ou n’existent tout simplement plus après les vagues précédentes. Il est en outre nécessaire d’adopter une approche multisectorielle et interdisciplinaire des soins de santé.
L’impact de la pandémie ne s’est pas limité aux maladies liées à la COVID-19, mais s’est traduit par une forte perturbation des soins, couplée à une morbidité et à une mortalité excessives chez les patients nécessitant des soins d’urgence et des soins critiques pour des maladies non liées à la COVID-19, tout comme cet impact a accru le risque de compliquer l’hospitalisation et la prise en charge d’autres maladies. Des ressources humaines essentielles, des infrastructures, du matériel, des médicaments, la logistique et le financement ont été réaffectés à la riposte à la COVID-19 aux dépens d’autres maladies et d’autres programmes de santé, ce qui a érodé la plupart des gains déjà réalisés sur ces autres problèmes de santé critiques.
Comment les pays peuvent-ils mieux faire face à la hausse considérable du nombre de cas graves de COVID-19 ?
Le meilleur moyen pour les pays de mieux gérer une forte augmentation des cas graves de COVID-19 consiste à prévenir avec la dernière énergie les infections par la COVID-19 en continuant d’appliquer strictement les protocoles qui visent à réduire au minimum l’importation et la propagation communautaire du virus (les mesures barrières à respecter restant l’hygiène des mains, le port du masque, la distanciation physique, tout comme l’amélioration de la détection de l’infection, de l’isolement et du traitement) et ce, en intensifiant rapidement le déploiement de la vaccination.
D’autres interventions directes visant à mieux gérer les fortes vagues potentielles de COVID-19 devraient inclure le suivi et l’évaluation des interventions menées lors de vagues précédentes, en particulier au niveau de la coordination et de la prise en charge des formes sévères et critiques de la maladie afin de mettre à nu les lacunes à différents niveaux et piliers du système de santé.
Une autre intervention primordiale consiste à mobiliser rapidement les ressources et à gérer efficacement les stocks afin de couvrir à la fois la flambée potentielle de maladies graves liées à la COVID-19 et la flambée de maladies critiques non liées à la COVID-19 qui en résulte. En outre, il convient de renforcer rapidement les capacités en matière de soins critiques en recrutant plus de personnel spécialisé, en réaffectant les agents de santé et en leur offrant une formation à la gestion à tout le moins élémentaire des soins critiques.
L’expansion de l’approvisionnement en oxygène médical et de la capacité des agents de santé à assurer l’oxygénothérapie est tout autant importante, particulièrement la disponibilité de dispositifs d’administration d’oxygène et d’équipements de réanimation à tous les niveaux du système de santé. Le renforcement de la coordination et de la collaboration entre les organismes liés à la santé et les autres secteurs concernés d’une part, et d’autre part entre les pays et les organismes internationaux est aussi essentiel.
Je pense que la pandémie de COVID-19 nous a fourni suffisamment de justification et d’opportunités pour investir désormais de manière durable dans le renforcement des capacités pour les services de soins aigus et critiques dans les pays africains. Pareil investissement revêt une importance fondamentale pour la fourniture de soins de santé de qualité à nos populations, pour les maladies transmissibles comme pour les maladies non transmissibles.
Si les pays africains devaient continuer à mettre en œuvre ces protocoles de prévention et de prise en charge et si nous étions efficaces dans nos programmes de vaccination, nous aurions de très bonnes chances non seulement d’éviter une nouvelle flambée de cas graves de COVID-19, mais également et plus tôt que tard, nous aurions l’occasion de briser le circuit récurrent de cette pandémie pour retrouver notre liberté et notre mode de vie.
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