Où en est-on avec les soins du cancer en Afrique aujourd’hui ?

Où en est-on avec les soins du cancer en Afrique aujourd’hui ?

Nairobi – Bien que les soins du cancer se sont considérablement améliorés dans de nombreux pays africains au cours de la dernière décennie, il demeure néanmoins des problèmes rencontrés en matière de prévention, de détection et de traitement, ainsi que des obstacles financiers qui limitent l’accès de millions de patients aux soins de qualité adaptés. La Dre Miriam Mutebi, présidente élue de l’Organisation africaine pour la recherche et la formation sur le cancer, fait le point sur la situation des soins du cancer en Afrique et sur la manière dont ils peuvent être améliorés.

Quelle est la situation actuelle des soins du cancer en Afrique ?

Les soins du cancer se sont beaucoup améliorés en Afrique au cours des 10 dernières années. 71% des pays africains disposaient de programmes nationaux opérationnels de lutte contre le cancer en 2017, une proportion en hausse par rapport aux 46 % de 2013, et le nombre de personnes travaillant dans les services d’oncologie ne cesse d’augmenter. Cependant, les soins et les services varient considérablement, parfois à l’intérieur d’un même pays ou d’une même région – aussi bien dans les institutions qui offrent des soins de pointe que dans les services de base parfois difficiles d’accès. En Afrique, de nombreux patients diagnostiqués pour un cancer se trouvant à un stade avancé ne terminent pas leurs soins. Il existe plusieurs raisons à ce phénomène, à commencer par le coût des traitements anticancéreux : les patients doivent souvent payer de leur poche l’accès aux soins, engageant des dépenses qui peuvent s’avérer financièrement catastrophiques. Une autre raison est l’inadéquation des systèmes d’orientation qui ne permettent pas aux patients de bénéficier à temps des soins nécessaires ou de services adaptés en matière de traitement, de soins palliatifs ou de soutien. Des inégalités géographiques existent également dans l’accès aux soins.

Quels sont les principaux défis que les services de soins doivent relever en Afrique ?

Un obstacle majeur a été la pénurie de personnel des services d’oncologie dans le continuum des soins du cancer. Cependant, comme la pandémie [de COVID-19] nous l’a montré, il existe des possibilités d’augmenter cet effectif en mettant à contribution la technologie et l’expertise collective du continent grâce à des plateformes d’apprentissage, à des stratégies de prestation de soins partagées, à des conseils en ligne sur les tumeurs et à la planification de la radiothérapie, ainsi qu’à une implication accrue de la diaspora africaine et de la communauté internationale. De nombreuses régions sont en outre confrontées à des systèmes dysfonctionnels et à une faible infrastructure d’oncologie. Ces problèmes sont encore aggravés par des obstacles socioculturels tels que le fatalisme et la stigmatisation, un manque général de sensibilisation à la fois des prestataires et des populations aux signes et symptômes du cancer, et le recours à des thérapies alternatives qui peuvent retarder les soins. La qualité des services varie, avec un manque de réglementation des services et des produits utilisés, un manque de protocoles de traitement et un non-respect des directives. Cela dit, des efforts de standardisation sont en cours dans le cadre d’initiatives nationales et régionales.

Quelles sont les effets sur la santé de l’inadéquation des services de prise en charge du cancer ?

L’inadéquation des services de lutte contre le cancer se traduit par une augmentation continue des décès prématurés. De meilleurs services de lutte anticancéreuse ont un effet « cheval de Troie » dans l’amélioration d’autres prestations de soins de santé, ce qui peut toucher d’autres aspects de la santé. La prévention, essentielle à l’atténuation des risques de cancer, est importante pour réduire le risque d’autres maladies non transmissibles comme l’hypertension et les maladies cardiaques. Les mêmes filières qui facilitent la vaccination contre le papillomavirus humain peuvent être exploitées pour la vaccination contre d’autres maladies infectieuses. Au-delà de la santé, les répercussions sont grandes lorsqu’un élément important du personnel est perdu ou compromis. En Afrique, le patient cancéreux moyen est diagnostiqué au moment où il est le plus productif sur le plan économique.

Comment les pays africains peuvent-ils étendre les services de soins contre le cancer ?

La clé est que les pouvoirs publics investissent de façon délibérée dans la santé et dans les systèmes de santé. Un changement de paradigme s’avère nécessaire pour passer d’une approche de la santé en tant que dépense à une réorientation des coûts de santé en tant qu’investissements. Des sources extérieures peuvent soutenir les initiatives, mais l’investissement dans le pays reste fondamental pour améliorer la santé publique. Les stratégies de renforcement des systèmes doivent rapprocher les pays et leurs populations des objectifs de la couverture sanitaire universelle. Il est nécessaire de sensibiliser davantage la population à la prévention et à la détection précoce du cancer, mais les systèmes doivent être préparés à soutenir l’ensemble du processus de traitement du cancer, du dépistage jusqu’à la survie. Les approches intégrées des soins du cancer peuvent optimiser les ressources et prévenir les abus. Par exemple, des achats groupés de médicaments contre le cancer et une utilisation partagée des ressources par l’intermédiaire de centres d’excellence régionaux établis pourraient réduire les coûts et élargir l’accès, tout comme la décentralisation des services essentiels de lutte contre le cancer comme les soins palliatifs et les soins de soutien. La fabrication locale de médicaments contre le cancer et de consommables tels que les poches pour stomie peut aussi réduire les coûts. Des programmes intégrés peuvent améliorer l’éducation et réduire au minimum les facteurs de risque de maladies non transmissibles dès l’école primaire. Le plaidoyer est essentiel.

Notre objectif demeure de pouvoir procurer des traitements de qualité contre le cancer et à moindre coût partout en Afrique. Nous y parviendrons si nous y consacrons tous nos efforts et notre énergie.
 

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