Pour que les routes ne tuent plus au Sénégal

Pour que les routes ne tuent plus au Sénégal

Dakar – « Perdre ses enfants, rien ne fait plus mal que ça. C’est une douleur que je ne souhaite à personne. »

Assis devant sa maison dans la banlieue de Dakar, Cheikh Amat Dieng, 69 ans, se remémore les jours sombres qu’il a vécus il y a maintenant 10 ans. En cette matinée d’août 2011, il se rendait en Mauritanie avec ses enfants pour la fête de la Korité : « Je voyageais avec quatre de mes enfants, et mon fils aîné Serigne Bamba était au volant. Environ 90 km après avoir quitté Dakar, il a perdu le contrôle du véhicule et nous avons percuté un arbre. Ensuite c’était le trou noir. Je me suis réveillé à l’hôpital et lorsque j’ai demandé des nouvelles de mes enfants, Serigne Bamba, Rosalie Fanta, Amsatou Achoura, Chérif : ils étaient tous morts sur le coup. »

Au Sénégal, près de 27 000 personnes sont victimes d’accidents sur la voie publique chaque année, dont 11 000 sont enregistrés à Dakar. Cette tendance reflète celle de la Région africaine. Alors qu'elle ne représente que 3 % du nombre total de véhicules immatriculés, la Région compte 20 % des décès par accident de la route dans le monde, avec près de 272 000 décès. De plus, elle a le taux de mortalité routière le plus élevé avec 26,6 pour 100 000 habitants.

En hommage aux victimes, décédées ou ayant survécu, les Nations Unies célèbrent la Journée mondiale du souvenir des victimes des accidents de la route le troisième dimanche de novembre de chaque année. Elle est placée sous le thème : « Se souvenir, soutenir, agir » et fournit une plateforme qui encourage à se souvenir des victimes de la route, à plaider en faveur du soutien aux personnes ayant survécu à ces accidents, et à agir en mettant en place des actions basées sur des données probantes pour éviter plus de tragédies sur les routes.

C’est justement sur ce point que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a soutenu un projet d’amélioration des données de mortalité par accident de la circulation mis en œuvre en 2020-2021. Le projet a été réalisé par le Ministère de la Santé et de l’Action sociale en collaboration avec le Ministère des Infrastructures, des Transports Terrestres et du Désenclavement et les autres partenaires impliqués dans la sécurité routière.

Comme l’indique Ousmane Ly, en charge de la sécurité routière à la Direction des Transports Routiers, cette initiative a tout changé en termes de politique de sécurité routière : « Par le passé, il a été noté des insuffisances dans la remontée des données liées aux accidents de la circulation. Il a été particulièrement constaté que seul environ un quart de ces données étaient enregistrées. Or, pour faire des politiques publiques de prévention routière efficaces, il faut pouvoir se baser sur des chiffres fiables, le plus proche possible de la réalité. Nous avons à présent des données de qualité, et cela va sans nul doute améliorer la prise de décision en ce qui concerne nos politiques de prévention routière. »

La Représentante de l’OMS au Sénégal, Dr Lucile Imboua, s’est réjouie de l’aboutissement de ce projet : « L’enregistrement, la collecte, et l’analyse des données liées aux accidents de la circulation sont autant d’étapes critiques dont la qualité permet d’élaborer des politiques efficaces permettant de mieux sécuriser la population. L’OMS plaide pour des actions plus fortes de la part des gouvernements pour sauver des vies sur les routes. Il est primordial de rendre les routes et les véhicules plus sûrs. »

Un maillon clé de cette prévention se situe au niveau de la sensibilisation. La Journée du Souvenir est elle-même un moment essentiel de plaidoyer pour une meilleure sécurisation des routes et un comportement plus responsable des usagers. L’OMS appuie des activités de sensibilisation et des formations à destination des élèves, des chauffeurs et des usagers de manière générale avec la Croix-Rouge Sénégalaise et en collaboration avec le Service National de l'Education et de l'Information pour la Santé (SNEIPS), Onze séances de sensibilisation sont prévues dans trois départements de Dakar, de Thiès et de Diourbel avant la fin de l’année.

Comme l’explique Dr Imboua, les vraies cibles seront atteintes à travers ces sessions : « Les équipes sensibilisent les chauffeurs au respect du code de la route, les élèves pour une meilleure compréhension des signalisations routières et les usagers sur les premiers secours. Nous continuons à mettre l’accent sur la prévention pour une meilleure sécurité routière, car la prévention reste le meilleur atout. »

En complément de la Journée du Souvenir, une Décennie d’action pour la sécurité routière 2021 - 2030 a été déclarée cette année avec pour objectif de prévenir au moins 50% de décès et de blessures dus aux accidents de la route d'ici 2030.

Les blessures et les séquelles, Mr Dieng les connaît bien, et il a appris à vivre avec. « Je ressens toujours des douleurs. J’ai été opéré au cou et quelques douleurs persistent. J’ai aussi des douleurs au niveau de la main droite que je ne peux plus manier comme avant. Cela fait maintenant 10 ans, mais lorsque je repense à ce jour, c’est comme si c’était hier. Lorsque je pense à mes enfants, je ressens toujours un immense chagrin et seuls ma foi en Dieu et le soutien de ma famille me permettent d’avancer. »

Pour Mr Dieng, aller vers les autres dans l’espoir de leur éviter le traumatisme qu’il a vécu est devenu une raison de vivre. « Chaque jour, les routes font des victimes. Mes enfants étaient âgés entre 21 et 40 ans. Mes filles préparaient toutes deux leur mariage, et mon deuxième fils allait avoir son premier emploi. Ils avaient toute la vie devant eux. Ce n’est pas facile de se replonger dans de douloureux souvenirs, mais il est important de rappeler que les routes blessent, et les routes tuent. Ce qui m’est arrivé, je ne souhaite pas que cela arrive à quelqu’un d’autre. Si mes mots peuvent faire une différence, alors ça en vaut la peine. Mes enfants ne seront pas morts pour rien. »

Cliquez sur l'image pour l'agrandir
Pour plus d'informations ou pour demander des interviews, veuillez contacter :
Kadijah Diallo

Chargée de communication
Bureau Régional de l'OMS pour l'Afrique 
Email: dialloka [at] who.int (dialloka[at]who[dot]int)

Ndéye Coumba DIADHIOU

Chargée de Communication
OMS Tchad
Email : coumbalay [at] gmail.com (coumbalay[at]gmail[dot]com)