Travailleurs de santé et médias outillés pour lutter contre les fausses informations sur le choléra
Brazzaville/Lilongwe – La journaliste malawite Suwira Wanda a récemment suivi une formation visant à sensibiliser les médias nationaux à la lutte contre les fausses informations. Au cours de cette formation, elle a appris pour la première fois qu’il est tout à fait possible de ne manifester aucun des symptômes du choléra, et de quand même transmettre la maladie à d’autres personnes par l’intermédiaire d’eau contaminée.
Cette formation, d’une importance capitale pour la journaliste, s’est déroulée dans les locaux de Zodiak, l’un des principaux médias du pays. Elle a été organisée dans le cadre de la riposte à l’épidémie de choléra la plus dévastatrice que le Malawi ait connu, et dont l’efficacité se trouvait compromise aussi bien par des rumeurs que par la propagation de fausses informations.
« Cet atelier de sensibilisation m’a fait prendre conscience non seulement de la nécessité de faire davantage de recherches lorsqu’une information me paraît douteuse mais aussi de vérifier auprès d’un expert si une rumeur est vraie ou non », explique Suwira Wanda.
Les formations dispensées par des experts de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), comme celle à laquelle Suwira a participé, fournissent les compétences nécessaires pour détecter et réfuter les fausses informations et les rumeurs relatives aux problématiques de santé, en particulier pendant les situations d’urgence sanitaire ou les épidémies. Dans le contexte de la crise liée à la pandémie de COVID-19, l’OMS a lancé l’Alliance pour la riposte à l’infodémie en Afrique (AIRA) en 2020, afin de lutter contre la désinformation et les théories complotistes en riposte à la pandémie. Le réseau de l’AIRA comprend 13 organisations internationales et régionales et des groupes de vérification des faits spécialisés en sciences sociales et comportementales, en épidémiologie, en recherche, en santé numérique et en communication.
Au Malawi, ces formations organisées à l’intention des médias depuis février 2023 ont été suivies par plus de 120 journalistes. Des efforts importants sont également déployés pour impliquer les communautés en ligne et hors ligne, notamment par le biais de vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, afin de limiter la propagation de fausses informations préjudiciables et ainsi de pouvoir maîtriser l’épidémie. Les vidéos, produites en plusieurs langues, ont été visionnées près de 23 millions de fois et ce seulement sur la page Facebook du Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique.
« Détecter les fausses informations et enrayer leur propagation »
« L’un de nos objectifs consiste à renforcer les systèmes de santé et à accompagner les partenaires dans le renforcement de leurs capacités sur la gestion des infodémies actuelles et futures », déclare Elodie Ho, la Coordonnatrice de l’AIRA. « Pour ce faire, nous nous chargeons d’identifier et d’enrayer la propagation de fausses informations sur les questions de santé publique en Afrique ».
À la mi-mai 2023, 14 pays africains sont confrontés à des épidémies de choléra et 86 500 cas ont déjà été enregistrés dans la Région. Cela équivaut à deux tiers de l’ensemble des cas de choléra enregistrés en 2021, qui fût l’année la plus noire de l’histoire de l’Afrique en matière d’épidémie de choléra en presque dix ans.
L’accès limité à des informations fiables et la multiplication de rumeurs mensongères sur le vaccin oral anticholérique, sur les meilleurs moyens de traiter la maladie et même sur la question de sa présence effective sont des facteurs susceptibles de sérieusement compromettre les efforts de riposte.
Depuis que les épidémies de choléra sont devenues un sujet de préoccupation à l’échelle internationale en 2013, l’AIRA n’a cessé de se pencher sur les raisons pour lesquelles ces épidémies sont plus sévères et plus répandues que la moyenne. L’Alliance examine par ailleurs les avantages que présente l’administration d’une seule dose de vaccin, au lieu des deux doses généralement prescrites aux patients.
Certaines rumeurs vont jusqu’à laisser entendre que les travailleurs de santé responsables des soins dans les centres de traitement du choléra feraient des injections aux patients en se servant de seringues souillées et prélèveraient les organes des patients décédés du choléra.
Les informations fausses ou trompeuses pourraient provenir de personnes ou d’organisations ayant des objectifs d’ordre politique, d’influenceurs mal informés ou mal intentionnés, ou encore de personnes qui se fient aveuglément à des sources d’information non vérifiées et qui diffusent inconsciemment des informations biaisées.
La veille des réseaux sociaux et le renforcement des capacités
Lorsque des informations trompeuses sont détectées au sein d’une communauté ou en ligne, les experts de l’AIRA analysent les systèmes d’information existants afin de déterminer les obstacles susceptibles de favoriser la propagation d’informations fausses et trompeuses au sein des communautés, dans la presse et sur les réseaux sociaux. Ces experts restent attentifs à ce que les populations racontent au sujet de la maladie et mobilisent les partenaires pour diffuser des informations justes.
Viral Facts Africa, la façade médiatique de l’AIRA, a réalisé 16 petites vidéos sur le choléra dans le but de démystifier les rumeurs, de lutter contre les fausses informations et de diffuser des données fiables sur la maladie, sur les traitements disponibles et sur les méthodes de prévention.
« Nous avons retenu de l’expérience de la pandémie de COVID-19 qu’il ne faut pas attendre l’apparition de fausses informations avant d’agir. Nous collaborons avec les pays en vue de renforcer leurs capacités à lutter contre l’infodémie et nous diffusons les informations correctes par anticipation », précise Elodie Ho.
C’est dans cette optique que l’Alliance, en 2022, a formé 165 travailleurs et responsables de la santé à la détection et à la lutte contre les fausses informations dans plus de 25 pays africains. Le Dr Yahya Disu, responsable de la communication de risques et l’engagement communautaire au Centre nigérian de prévention et de contrôle des maladies, a également participé à la formation.
« Lors de l’épidémie de choléra survenue au Nigéria en 2022, nous avons mis en pratique les enseignements tirés de nos apprentissages et avons riposté en appliquant notre stratégie d’écoute sociale et communautaire », souligne le Dr Disu. « Nous avons été en mesure de détecter rapidement les rumeurs et les fausses informations relatives à l’épidémie et de mettre en place des interventions ciblées en matière de communication de risques et l’engagement communautaire pour enrayer leur propagation. »
Il s’agit là d’une approche qui a permis de lutter efficacement contre l’épidémie de choléra et a souligné la nécessité de dialoguer avec les communautés et de prendre en compte leurs préoccupations. Ceci dans le but d’instaurer un climat de confiance et de lutter contre les fausses informations par la même occasion.
« Nous avons également observé que nos interventions en matière de communication de risques et l’engagement communautaire devraient être adaptées à des communautés et à des contextes spécifiques, car les croyances et les pratiques liées à la santé et aux maladies varient d’une région à une autre », conclut le Dr Yahya Disu.