Trois points à retenir de l’utilisation des transferts d’argent mobile dans le cadre de la riposte à la poliomyélite
Brazzaville — En 2020, le Bureau régional de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’Afrique a fait preuve d’innovation en introduisant les systèmes de transfert d’argent mobile dans la mise en œuvre de l’Initiative pour l’éradication de la poliomyélite. Ces systèmes de transfert ont permis de payer les agents recrutés dans le cadre des campagnes de vaccination. À ce jour, huit pays africains ont adopté ce système de paiement, tandis que d’autres se préparent à instaurer les transferts d’argent à partir des téléphones mobiles comme une option de transfert de fonds pour les programmes de santé qui seront organisés bien après la lutte contre la poliomyélite. Dorcas Karimi, chargée des finances numériques au Bureau régional de l'OMS pour l'Afrique, explique les progrès réalisés à ce jour.
Pourquoi le transfert d’argent mobile a-t-il été adopté pour les programmes de santé ?
Le transfert d’argent mobile est un système de paiement prédominant en Afrique subsaharienne, qui compte 469 millions de comptes actifs, soit près de la moitié du total mondial, et 1,3 milliard de dollars É.-U. de transactions quotidiennes, selon le rapport 2019 de GSM Association (un organisme mondial d’opérateurs mobiles) sur l’état de l’industrie de l’argent mobile. Le Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, avec l’appui de la Fondation Bill & Melinda Gates, s’est engagé à faire de l’utilisation de moyens de paiement numériques l’un des axes spécifiques de l’appui opérationnel qu’il fournit aux 47 pays de la Région, conformément à la Stratégie mondiale pour la santé numérique.
L’une des raisons principales qui justifie l’adoption du transfert d’argent mobile est le fait que les paiements en espèces posent des défis opérationnels allant du risque de détournement et de fraude jusqu’à des retards dans le paiement des agents de terrain et aux risques sécuritaires liés au transport physique de sommes importantes, sans oublier les coûts administratifs élevés, en particulier les coûts de transport des fonds vers le lieu de distribution, ainsi que les processus de justification des dépenses.
Surtout, avec l'apparition de la COVID-19, toute mesure permettant de prévenir les infections peut sauver des vies. L’utilisation des paiements numériques, qui ne nécessitent aucun contact physique, joue ainsi un rôle crucial dans la protection des agents de santé et des travailleurs qui risquent leur vie pour fournir des vaccins et des traitements d’importance vitale.
Quels sont les défis qu’il a fallu surmonter ?
Tout d’abord, le changement n’étant jamais facile à accepter, les bureaux de pays de l’OMS ont dû travailler inlassablement afin de persuader les ministères de la santé d’inclure les transferts d’argent mobiles dans leurs systèmes et processus de paiement existants. L’accent a donc été mis sur les avantages que présentent les systèmes de transfert d’argent pour les programmes de santé : il s’agit de l’efficacité, de la possibilité d’effectuer les paiements à temps – qui a rehaussé la motivation des travailleurs –, et des aspects liés à la transparence et à la responsabilisation.
Des efforts sont en cours pour établir des bases de données précises et complètes sur les agents de santé dans les pays. L’OMS a amorcé un partenariat avec une société informatique basée aux États-Unis avec pour ambition de mettre au point une application qui permet de constituer une base de données des agents de santé. Par ailleurs, l’Organisation travaille en étroite collaboration avec les ministères de la santé pour édifier un système fiable de données sur le personnel de santé.
Si l’utilisation du transfert d’argent mobile est très généralisée en Afrique, la faible couverture de certaines zones et localités par les réseaux mobiles, la défaillance des systèmes en ce qui concerne l’identification correcte, la vérification et la collecte d’informations exactes sur les bénéficiaires des transferts d’argent continuent de poser problème. Des actions sont menées pour remédier à ces problèmes, notamment en négociant avec les sociétés de téléphonie mobile pour la mise à disposition de cartes SIM gratuites pour les agents de santé communautaires qui participent aux campagnes de vaccination contre la poliomyélite.
Quelles avancées ont été réalisées ?
La phase d’essai de l’utilisation des transferts d’argent mobile dans le cadre des campagnes de vaccination contre la poliomyélite a été mise en œuvre dans huit pays et a connu un franc succès. Au Libéria par exemple, les délais de paiement ont été nettement réduits et, selon une enquête récente, la majorité des travailleurs a délaissé les règlements en espèces au profit des paiements mobiles.
En outre, la base de données des agents de santé et la transparence financière se sont améliorées. Les pays sélectionnés pour la phase d’essai disposent désormais de bases de données qui prennent en compte tous les agents recrutés dans le cadre des campagnes de vaccination, où figurent des informations essentielles telles que le nom, le sexe, le rôle des agents dans la campagne de vaccination, leur district de santé et leur numéro de téléphone portable, tout comme le montant versé à chacun. Une fois les paiements effectués, il est possible d’extraire de la plateforme de règlement une preuve de paiement qui peut être ensuite envoyée à tous les partenaires.
Enfin, les paiements mobiles permettent de réaliser des économies. Un rapport des Nations Unies publié après la flambée épidémique de maladie à virus Ebola – qui a sévi en Afrique de l’Ouest entre 2014 et 2016 – a révélé que les transferts d’argent mobile étaient très efficaces en Sierra Leone au regard de l’argent et du temps économisés, et des vies sauvées. Le Bureau régional estime pour sa part que les programmes de paiement mobile aident déjà à faire des économies. À titre d’exemple, les assistants de programme n’ont désormais plus besoin de se rendre dans des districts éloignés pour effectuer le paiement des agents de santé, ce qui permet d’économiser les frais de voyage et les indemnités journalières de subsistance.