Vaincre la peur de se faire vacciner pour mieux lutter contre la polio au Mozambique
Lichinga, Mozambique - C'est le dernier jour de la campagne de vaccination contre la polio à Niassa, une province du nord du Mozambique, et une équipe mobile de vaccination dirigée par Celina Miguel, agent de santé, fait du porte-à-porte dans un petit village.
L'équipe vient de se heurter à un refus.
"Ils veulent donner une maladie à mon enfant, une maladie qui va la tuer !" s'exclame la jeune mère qui a refusé le vaccin oral contre la polio pour sa fille.
Miguel tente de parler à la mère, mais elle n’est pas très optimiste : " Je ne suis pas de la région, donc je pense qu'elle ne me fait pas confiance ", dit-elle.
S'il est recommandé que les vaccinateurs soient issus de la communauté dans laquelle ils travaillent, ce n'est pas toujours possible en raison de la rareté du personnel qualifié.
Environ 16 000 vaccinateurs et mobilisateurs communautaires ont été déployés lors du troisième tour de la campagne de lutte contre la polio au Mozambique. Leurs efforts pour briser la peur de se faire vacciner sont essentiels pour atteindre des taux de vaccination élevés afin d'éradiquer la polio.
Celina, qui porte son jeune bébé sur son dos, affirme que ce n'est pas la première fois qu'elle rencontre quelqu'un qui refuse le vaccin. "Certains parents ne sont pas sûrs. Mais je leur parle et j'arrive généralement à les convaincre", dit-elle.
À Niassa, le ministère de la Santé et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'efforcent de lutter contre la peur de se faire vacciner grâce à une formation préalable à la campagne et à la collaboration entre les agents de santé et les chefs communautaires.
En partenariat avec l'OMS et l'UNICEF, le ministère de la santé a organisé des formations pour les vaccinateurs et les mobilisateurs communautaires pendant la phase de préparation de la campagne. La peur vaccinale est un sujet clé, au même titre que les connaissances techniques sur la polio et le vaccin.
Les formateurs ont recours à des techniques de jeu de rôle telles que des mises en scène de refus. Ces mises en situation aident les agents de santé à réagir efficacement dans la vie réelle.
On estime que 90 % des soignants étaient bien préparés à la campagne lors du deuxième tour, grâce au renforcement des capacités des vaccinateurs et des mobilisateurs sociaux. En conséquence, les refus de vaccins ont été maintenus en dessous de 1 %.
"Une campagne réussie est une question de communication", déclare Maria da Glória Moreira, responsable de l'information et de la promotion de la santé à l'OMS Mozambique.
"Défauts de gestion, partis pris politiques, culture et religion, peur ou méfiance. Les racines de la désinformation et de la mésinformation sur le vaccin sont nombreuses", dit Moreira. "Mais il n'y a rien qu’une discussion ne puisse résoudre", ajoute-t-elle.
"Si une équipe rencontre des personnes ont des hésitations, elle doit écouter attentivement les raisons de la famille et essayer de la convaincre des avantages du vaccin", dit Mme Moreira. "La façon dont vous communiquez est tout aussi importante que ce que vous communiquez. Le respect, l'écoute active et l'utilisation d'un langage simple sont essentiels à de bonnes relations avec les parents ».
"En tant que mère, je dis aux parents que nous sommes là pour aider leurs bébés et non pour leur faire du mal", ajoute Celina.
Concernant la polio, plusieurs facteurs clés influencent la décision des parents de vacciner. Être informé à l’avance de la campagne, comme ses dates, le lieu et la manière dont le vaccin sera administré, est un facteur important. D'autres facteurs sont la perception qu'a la communauté du vaccin contre la polio et des prestataires de soins de santé eux-mêmes.
Outre le renforcement des compétences en communication des agents de santé de première ligne, l'implication des acteurs influents d'une communauté s'est avérée essentielle pour remettre en question les idées préconçues des parents.
À Lichinga, les équipes de vaccination s'installent devant les églises pour atteindre les enfants après le sermon du dimanche. Les agents de santé sont encouragés à établir des liens avec les chefs religieux et traditionnels afin qu'ils puissent travailler ensemble pour promouvoir les campagnes et lutter contre l’hésitation vaccinale.
Dans le cadre de la stratégie de promotion de la santé de l'OMS, Mme Moreira organise des événements de sensibilisation avec les chefs traditionnels, les prêtres et les imams afin qu'ils puissent mieux informer leurs communautés sur la polio. Au cours des deux derniers cycles, 4720 chefs ont participé à la campagne de formation.
"Il y a quelques années, dans un village, il m'a fallu deux semaines pour convaincre un chef local de laisser nos équipes venir dans sa localité. Certains groupes refusent carrément les services de santé. Alors je dis aux chefs : 'Vous vous occupez de l'esprit, nous nous occupons du corps !'. Nous sommes complémentaires et nous devons travailler main dans la main. La clé, c'est la persévérance".
Le chef Chingomadje, qui a participé à l'événement de pré-campagne de Maria da Glória Moreira, a apprécié de travailler avec des leaders de toutes les confessions pour atteindre un objectif commun. Son équipe de vaccination locale le prévient désormais dès qu'il y a un refus. "Lorsqu'ils ne parviennent pas à convaincre les familles, je leur parle en personne. J'ai téléphoné à un parent plus tôt dans la journée pour m'assurer qu'il emmène son bébé se faire vacciner pendant la campagne de ratissage".
De retour dans l'équipe de Miguel, la discussion se poursuit sur le pas de la porte de la mère.
L'atmosphère s'améliore lorsque Assiato, la collègue de Celina, apparaît et commence à parler à la mère dans son dialecte local. Peu de temps après, elles ouvrent la glacière et vaccinent sa fille. Souriante et visiblement rassurée, la mère déclare : "Je connais cette femme, Assiato est comme une famille. Si elle me dit de le faire, je le ferai".