La santé ne se résume pas à l'absence de maladie : une nutrition adéquate est essentielle dans cette équation

Article d'opinion par Adelheid Onyango and Bibi Giyose

Face à une crise, notre réaction naturelle est de faire face à ses menaces immédiates. Ainsi, lorsque, par exemple, des enfants sont admis dans des cliniques de fortune avec des symptômes de choléra en pleine catastrophe humanitaire, nous avons tendance à investir toutes les ressources nécessaires pour sauver les vies en traitant ces symptômes le plus rapidement possible.

Cependant, ce que nous constatons, c'est que souvent les enfants que nous avons traités et renvoyés chez eux reviennent rapidement dans les centres de traitement - pas pour le choléra cette fois, mais parce qu'ils souffrent de malnutrition sévère. Très souvent, nous avons tendance à les traiter pour une infection mortelle et, dans le feu de l'action, nous sauvons des vies, mais nous ne parvenons pas à rétablir la santé.

Toutefois, L'expérience de la gestion des épidémies a montré que lorsque l'état nutritionnel de base de la population est médiocre, les pertes en vie sont importantes. Au-delà de l'impact néfaste de la malnutrition sur la santé physique, elle affaiblit le système immunitaire, réduisant la résistance de l’organisme à l'infection et la résilience dans la maladie.

D'un autre côté, l'intégration du traitement de la malnutrition dans la réponse aux crises humanitaires assure mieux la survie et le rétablissement que le traitement exclusif des maladies.

Alors que les pays de l'ensemble du continent s'engagent pour la couverture santé universelle (CSU), les mêmes leçons doivent être appliquées. La CSU vise en fin de compte à atteindre la santé et le bien-être pour tous d'ici 2030, un objectif qui est intimement lié à celui de l'élimination de la faim et de toutes les formes de malnutrition.

Avec 11 millions d'Africains tombant dans la pauvreté chaque année à cause des dépenses directes catastrophiques pour les soins de santé, personne ne peut remettre en question la nécessité de s’assurer que tout le monde, en tout lieu, puisse obtenir les services de santé dont il a besoin, quand et où cela est nécessaire, sans faire face à des difficultés financières.

Comme les modèles de la richesse et les habitudes de consommation changent, la Région africaine est maintenant confrontée au triple fardeau de la malnutrition - la sous-nutrition associée aux déficits en micronutriments et des niveaux croissants de l'obésité et des maladies non transmissibles liées à l'alimentation.

En 2016, on estimait que 59 millions d'enfants étaient en retard de croissance en Afrique (une augmentation de 17% depuis 2000) et 14 millions souffraient d'émaciation - un prédicteur important de décès chez les enfants de moins de cinq ans. Cette même année, 10 millions étaient en surpoids; presque le double du chiffre de 2000. On estime que d'ici 2020, les maladies non transmissibles causeront environ 3,9 millions de décès chaque année dans la seule Région africaine.

La plupart des maladies qui entraînent des dépenses catastrophiques pour les individus, les ménages et les systèmes de santé nationaux en Afrique pourraient être évitées si tout le monde vivait activement et consommait des aliments adéquats, diversifiés sûrs et nutritifs. Après tout, une alimentation saine nous permet non seulement de grandir, de nous développer et de prospérer, mais elle protège aussi contre l'obésité, le diabète, l'hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires et certains cancers.

Pour s'attaquer à la malnutrition, atteindre la CSU et finalement atteindre l'objectif de la santé et du bien-être pour tous, les gouvernements doivent consentir des investissements adéquats, mettre en place des politiques et des mesures incitatives.

Comme point de départ, les gouvernements doivent commencer par assurer les besoins de base de sécurité alimentaire, d’accès à l'eau potable, et une amélioration de l'assainissement, pour prévenir et réduire la sous-nutrition parmi les populations pauvres des zones rurales et des bidonvilles en Afrique. Par exemple, une réduction de la défécation à l'air libre a permis de réduire la dénutrition en Éthiopie, dans certaines parties de la République démocratique du Congo, au Mali et en Tanzanie.

Ensuite, pour influencer ce que les gens mangent, il est essentiel de travailler efficacement à l’amélioration de l’environnement alimentaire et à l’éducation des populations sur ce qui constitue un régime alimentaire sain. Hippocrate a affirmé que «toute maladie commence dans l'intestin», avec le conseil associé «que la nourriture soit ton médicament».

Les recherches actuelles sur les maladies chroniques réaffirment les avantages pour la santé de consommer des aliments de base minimalement transformés qui constituaient la base des régimes alimentaires traditionnels africains. Cette information doit être communiquée au public par l’intermédiaire des secteurs de la santé et de l'éducation, et devrait être complétée par les innovations dans l’agriculture pour augmenter la production de céréales riches en nutriments, de criquets, d’herbes, de racines, des fruits et légumes qui étaient « la médecine de la longévité » chez nos ancêtres rustiques.

Cependant, jusqu’à ce que cette prise de conscience soit effective, il est urgent de mettre en place des politiques et des programmes pour protéger et promouvoir des régimes alimentaires sains dès la naissance. Cela inclut la réglementation de la commercialisation des substituts du lait maternel ainsi que celle des aliments qui favorisent l’installation des préférences et des habitudes de consommation malsaines depuis la petite enfance.

En Afrique du Sud, par exemple, le pays ayant le taux d'obésité le plus élevé en Afrique subsaharienne, le gouvernement a introduit une «taxe sur le sucre» qui devrait augmenter le prix des boissons gazeuses sucrées. L'espoir est que cela encouragera les consommateurs à faire des choix plus sains, et les fabricants à réduire la quantité de sucre dans leurs produits.

Enfin, les gouvernements doivent prendre des mesures incitatives - et appliquer des sanctions suffisamment dissuasives si nécessaire - pour amener les fabricants des produits alimentaires à collaborer dans la promotion d'une alimentation saine par le biais de la reformulation et de l’étiquetage informatif, par exemple. En cas de contamination des aliments, nous sommes très prompts à retirer les produits des rayons. Pourtant, nous sommes beaucoup plus lents à réagir aux maladies causées par les aliments transformés contenant de grandes quantités de sel, de sucre, de graisses saturées et de graisses trans.

Une accélération de l’évolution vers la couverture santé universelle est de réduire le besoin de traitements coûteux. Et il n'y a pas de meilleure façon de le faire que de veiller à ce que chacun, partout, préserve sa santé et ait accès à des aliments sains et nutritifs: Que ta nourriture soit ton médicament.


Adelheid Onyango est conseillère en Nutrition au Bureau régional pour l'Afrique de l'Organisation mondiale de la santé et Bibi Giyose est responsable principal de la nutrition et des systèmes alimentaires et conseillère spéciale du PDG du NEPAD.