Etude sur les mécanismes innovants de financement de la santé pour la couverture sanitaire universelle au Togo

Etude sur les mécanismes innovants de financement de la santé pour la couverture sanitaire universelle au Togo

Résumé

Justification et objectifs

Le gouvernement du Togo s’est engagé dans l’élaboration d’une stratégie nationale de financement de la santé (SNFS) vers la couverture sanitaire universelle (CSU) afin d’assurer l’accès universel de tous à des services de qualité sans encourir de dépenses catastrophiques.

En effet, les ressources actuellement affectées à la santé à travers le budget de l’Etat étant limitées, l’accès aux services de santé essentiels de qualité entraîne encore souvent des dépenses insurmontables liées au paiement direct des soins par de larges couches de la population.

C’est dans ce contexte que le ministère de la santé, a sollicité l’assistance du programme de partenariat Union européenne – OMS pour la CSU, pour initier une étude portant sur la levée de fonds domestiques, et en particulier la possibilité d’apporter plus de ressources budgétaires pour la santé par l’introduction de mécanismes de financement innovants.

L’objectif de cette étude était d’identifier des mécanismes de financement innovants permettant de mobiliser des ressources additionnelles pour soutenir le cheminement vers la CSU au Togo.

Lancement de l’étude

L’étude a été lancée lors de l’atelier organisé par le Ministère de la santé et l’OMS les 28 et 29 Novembre 2013. Il a réuni un large panel de parties prenantes incluant la Présidence de la République, la Primature, le Ministère des Finances, le Ministère du Travail, le Ministère de la Santé, le Ministère des Télécommunications, l’INAM mais aussi des représentants des opérateurs économiques privés et de la société civile des partenaires techniques et financiers multi et bilatéraux. L’atelier avait pour objectifs de: i) initier et guider l’analyse sur le financement innovant et son potentiel à mobiliser les ressources additionnelles intérieures, ii) mener une première réflexion avec les acteurs clés et groupes d’intérêts pour orienter l’étude et enfin, iii) analyser et identifier parmi les 21 mécanismes de financement innovants pour la CSU répertoriés ceux susceptibles d’être retenus pour une analyse dans le cadre de l’étude.

Suite à l’analyse des propositions faites par les différents groupes participants à l’atelier et tenant compte des leçons de l’expérience dans d’autres pays, cinq (5) mécanismes potentiellement intéressants et faisables pour le Togo avaient été finalement retenus pour analyse à savoir : i) la taxe sur les billets d’avion ; ii) la taxe sur les transactions financières (rémittences); iii) la taxe sur les compagnies minières ; iv) la taxe sur l’alcool ; v) la taxe sur la téléphonie mobile.

Au cours du premier semestre 2014, une équipe de consultants nationaux et internationaux, conseillée par un groupe de travail interministériel ainsi que par l’OMS, a étudié la faisabilité technique et institutionnelle de chacun de ces mécanismes et a produit, quand celaétait possible, des projections sur leurs recettes potentielles dans plusieurs scenarii se basant sur la revue de la littérature et documentaire ainsi qu’une série d’entretiens semi-structurés réalisés avec les parties prenantes clefs (ministères concernés, associations professionnelles, etc.).

Les résultats de cette étude ont été présentés lors d’un atelier national de validation les 22 et 23 juillet 2014, en présence d’un large éventail de parties prenantes du financement de la santé au Togo.

Principaux constats /résultats de l’étude

De l’analyse et des discussions menées avec les acteurs-clés des différents ministères et groupes d’intérêts, parties prenantes, il ressort les principaux constats suivants :

Taxe sur les billets d’avion

C’est l'un des mécanismes de financement novateurs actuellement mis en oeuvre dans un certain nombre de pays. La taxe de solidarité sur les billets d'avion a été essentiellement utilisée pour contribuer à atténuer ce qui est aujourd'hui perçu comme les effets négatifs de la mondialisation, ainsi que pour le financement des efforts de la lutte contre le VIH/sida.

L’analyse de faisabilité technique et institutionnelle suggère qu’une taxe, appliquée à l’achat du billet, est économiquement neutre (un prélèvement minime n'aurait que peu d'effets sur la demande en billets d'avion), progressive (en particulier si la taxe est plus élevée pour les billets en classe affaire et première classe), facile à mettre en oeuvre dans le contexte national (des arrangements institutionnels et opérationnels étant en place dans le secteur). Un tel prélèvement s'inscrit dans le long terme et est prévisible. En effetles transports aériens sont en pleine croissance et devraient continuer à progresser au cours des années à venir. Pourtant les investissements en cours visant a consolider la place de Lome comme Hub regional au niveau du traffic aérien pèse déjà lourdement sur le cout des billets d’avion.

Taxe sur les ventes d’alcool

Les éléments ci-dessous indiquent que l’introduction d’une taxe supplémentaire sur les alcools de façon différenciée en vue de financer la CSU est faisable au Togo et produirait des revenus pérennes.

Progressivité : une taxe moindre sur la bière et une plus élevée sur les alcools forts améliorerait la progressivité de cette taxe, comme mis en application dans de nombreux autres pays,

Effets collatéraux : une augmentation de la taxation sur les alcools pourrait mener à une diminution de la consommation d’alcool comme l’indique la littérature internationale ; cet impact serait positif sur la santé des citoyens.

Pérennité : les togolais ne sont pas de gros consommateurs d’alcool mais il est raisonnable de supposer que cette consommation continuera à progresser dans le long terme, tenant compte de l’augmentation de la population.

Gouvernance : le Ministère du commerce et la DGI récoltent déjà des taxes sur les importations et production d’alcool. Une taxe supplémentaire serait donc facile à implémenter et à gérer.

Faisabilité politique : Le Togo est en deçà des taux de taxation applicables sur la bière et l’alcool au niveau régional; des réticences existent mais ne sont pas insurmontables et ne devraient pas représenter une barrière importante à l’introduction de cette taxe supplémentaire.

Taxe sur la téléphonie

Il s’agit d’appliquer une taxe sur le trafic de communication tenant compte de la pratique dans les autres pays et aussi de la sensibilité des populations. Le mécanisme ne concerne que la téléphonie mobile et le fixe portable illico.

En comparant le Togo avec d’autres pays de l’UEMOA, il ressort que le Togo est dans la moyenne en matière de tarifs appliqués ; le sentiment d’une surtaxe des télécommunications au Togo semble exagéré. De plus, les données quantitatives et les projections effectuées indiquent que l’introduction d’une taxe minime de 1 FCFA par minute sur le temps de communication serait parfaitement justifiable. Une telle taxe serait mieux reçue et devrait constituée une source de revenus importants pour le financement de la santé dans le contexte national.

Taxe sur les transferts de fonds

Différents types de transactions financières sont répertoriés mais l’analyse s’est principalement centrée sur les rémittences (transferts de fonds de l’international vers le national).

Il semble que taxer les transferts d’argent au niveau national peut avoir un impact négatif sur les plus pauvres qui sont en grande majorité récepteurs de ces fonds transférés et le fait que près de 40% des transferts soient utilisés pour la consommation courante ou des dépenses de santé ou d’éducation suggère qu’augmenter les taxes sur ces transferts pourrait avoir un impact négatif sur la population. Imposer une taxe sur un secteur encore jeune est généralement source de tensions politiques. Par ailleurs, cette taxe pourrait encourager à l’utilisation du secteur informel.

Considérant l’impact potentiellement régressif de cette taxe et sa faiblesse en terme de faisabilité technique et institutionnelle, l’étude a conclu de ne pas implémenter ce mécanisme. En revanche, d’autres transactions financières pourraient être analysées afin de déterminer leur potentiel.

Taxe sur les ressources minières

L’introduction d’une taxe supplémentaire sur les ressources minières n’est pas envisageable dans le contexte national actuel puisqu’aucun mécanisme n’est encore véritablement en place pour récolter les taxes déjà dues par les sociétés extractives.

Cette conclusion ne tient pas du peu de potentiel, puisqu’au contraire cette taxe serait parfaitement justifiable et pourrait sans doute amener des revenus importants, mais tient plutôt du peu de transparence actuelle des compagnies minières. L’absence de données récentes sur les taxes payées par ces entreprises ou sur les quantités effectivement extraites n’a pas permis de faire à ce stade une analyse du potentiel de ressources mobilisables.

Une discussion au plus haut niveau politique s’impose pour envisager, à moyen terme, une taxe qui puisse soutenir la CSU.