Naissance au Tchad en temps de pandémie

Naissance au Tchad en temps de pandémie

N’Djaména – Comme la majorité des femmes dans sa situation, Rosalie Memadji, 26 ans, a eu beaucoup de mal à se rendre au centre de santé pour se faire suivre et donner naissance à son enfant dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Après la survenue de la maladie dans le pays, des rumeurs inquiétantes ont commencé à se propager à propos des structures sanitaires. « Ce qui me préoccupait le plus, c’était le suivi de ma grossesse : comment pouvais-je me résoudre à me rendre au centre de santé alors qu’on disait que c’est là-bas que l’on contracte le plus la maladie ? Une amie m’a même dit que le thermo flash qu’ils utilisaient à l’entrée du centre est un appareil qui sert à contaminer les gens. »

Pour apaiser ses craintes, Irène Nderam, la sage-femme ayant suivi Rosalie lors de sa précédente grossesse, a joué un rôle primordial. Les deux femmes se connaissaient depuis plusieurs années. « Elle m’a bien suivie lors de ma grossesse précédente deux ans plus tôt, et aussi au moment de mon accouchement. Nous sommes restées en contact bien après, je lui faisais confiance. Depuis le début de ma grossesse, elle n’a cessé de m’encourager de me rendre au centre de santé pour les consultations, et ce malgré la COVID-19. Elle m’a parlé des précautions qui avaient été prises au centre pour nous protéger de la maladie, et m’a fait comprendre les risques que j’encourais avec mon bébé si je n’étais pas suivie durant ma grossesse, ou si je tentais d’accoucher à domicile. »

Au Tchad, la santé maternelle demeure un problème majeur de santé publique. Le taux de mortalité maternelle y est particulièrement élevé, se situant à 860 décès pour 100 000 naissances. A cela s’ajoute la vulnérabilité accrue des femmes et des filles du fait des inégalités de genre, avec comme conséquences un faible accès aux droits et services sociaux de base. La pandémie de la COVID-19 a empiré cette situation en poussant un grand nombre de femmes et d’adolescentes à accoucher à domicile sans surveillance, dans un pays où le taux d’accouchement en milieu médicalisé était seulement de 22%. La peur et les rumeurs liées par la maladie ont réduit davantage la fréquentation par les femmes des services de soins tels que les consultations prénatales, les accouchements et les consultations postnatales.

Poussée par les encouragements d’Irène, Rosalie a fini par se rendre au centre de santé d’Atrone, créé en 2012 et situé dans le 7ème arrondissement de N’Djaména. A cause de la COVID-19, le centre a enregistré une chute sans précédent de la fréquentation par les patients, comme l’explique Irène, également responsable du centre : « Malgré la COVID-19, nous avions maintenu le service de maternité qui a fonctionné sans arrêt avec une rotation du personnel. Mais nous avons enregistré une baisse drastique de fréquentation par les patientes, surtout au tout début de la pandémie. Avant que la maladie ne soit déclarée en mars 2020, le service accueillait jusqu’à 400 femmes par mois pour les consultations prénatales et nous effectuions jusqu’à 100 accouchements par mois. Après mars 2020 et jusqu’en août, la moyenne est tombée à 86 consultations prénatales et 30 accouchements enregistrés. Certains jours, la salle d’accouchement était vide, ce qui n’était jamais arrivé auparavant ! »

Face à cette situation, Irène et ses collègues ont pris les devants. « Nous avons intégré plusieurs changements pour garantir la sécurité du personnel et gagner la confiance de la communauté. Les sages-femmes et autres agents ont été formés sur les mesures à prendre pour des accouchements dans le contexte de la pandémie, et sur la prévention et le contrôle des infections. Des équipements de protection ont été mis à disposition, tels que les masques, gants, dispositifs de lavage de mains, …. A chaque point d’entrée, nous avons placé un récipient d’eau avec du savon et le port du masque est obligatoire pour tous, ainsi que la prise de température à l’entrée. »

Une fois ces dispositions prises, il a fallu ensuite convaincre les patientes de la sécurité des lieux : « Nous avons sensibilisé les femmes sur les mesures barrières et leur utilité dans la lutte contre la pandémie de la COVID-19. Mais notre défi majeur pour encourager les femmes à continuer à venir au centre était de lever le voile sur les fausses rumeurs qui les rendaient méfiantes et pour cela, nous avons mis en place des stratégies de communication et de sensibilisation de proximité et nous avons été appuyés par les relais communautaires formés qui sillonnent les quartiers pour conduire des sensibilisations de porte à porte. » Ces efforts ont porté fruits et la fréquentation a peu à peu repris au centre de santé à partir d’août, avec une moyenne de 272 consultations prénatales et 85 accouchements par mois. Depuis, ces chiffres sont en hausse constante.

Au niveau national, l’impact de la pandémie du coronavirus sur les services de santé maternelle a aussi été important. « A titre d’exemple, nous avons constaté une diminution significative du nombre total d’accouchements à partir du mois de mars 2020 et suivants, où le nombre cumulatif d’accouchements effectués n’était que de 40,66% de ceux effectués au cours de la même période en 2019 », explique Dr Grâce Nkodido, la Directrice Générale Technique Adjointe de la santé de la reproduction, de la vaccination et de la nutrition au ministère de la Santé publique et de la Solidarité nationale. « Pour faire face à cela, le gouvernement a pris certaines mesures telles que la mise à disposition des équipements de protection en larges quantités aux hôpitaux et aux centres de santé de N’Djaména et des provinces. Des formations ont également été organisées pour renforcer les connaissances du personnel de santé et des sages-femmes en prévention et contrôle des infections (PCI) dans les salles d’accouchement en mettant l’accent sur l’utilisation correcte des équipements de protection individuelle et la fabrication de solution chlorée. Des comités de prévention et contrôle des infections ont en outre été mis en place dans les structures sanitaires », décrit Dr Nkodido.

En tant que partenaire majeur du gouvernement dans le domaine de la santé, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a été d’un appui crucial pour assurer la continuité des services essentiels de santé. « Dès le départ, l’OMS a fourni des conseils aux décideurs pour maintenir ces services pendant la pandémie de COVID-19. Le personnel de santé a bénéficié d’un renforcement de capacités en prévention et contrôle des infections, et d’un appui en équipements essentiels de protection. De plus, la collection et l’analyse de données ont été améliorées et nous avons recommandé une planification rigoureuse, ainsi que des mesures coordonnées entre les pouvoirs publics et la direction des structures de santé. Tous ces efforts participent à la lutte contre le virus tout en renforçant le système de santé », explique le Représentant de l’OMS au Tchad, Dr Jean-Bosco Ndihokubwayo.

Pour Rosalie la jeune maman qui a accouché de son fils Bonheur dans les meilleures conditions malgré la pandémie de COVID-19, le meilleur choix est de se faire suivre dans une structure sanitaire : « Je suis très satisfaite d’avoir finalement accouché au centre de santé sans me fier à toutes ces rumeurs infondées. Je conseille à toutes les femmes qui attendent un bébé de respecter leur calendrier de consultations prénatales et de donner naissance à leur enfant dans une structure de santé, car rien n’est plus précieux que leur santé et la vie de leur bébé. »

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Mr NAISSEM Jonas

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Kadijah Diallo

Chargée de communication
Bureau Régional de l'OMS pour l'Afrique 
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