Remettre la sécurité routière au centre des préoccupations au Sénégal
Dakar - Après 27 ans à la Brigade Nationale des Sapeurs-Pompiers, l’Adjudant Abdoulaye Coly admet que c’est le cas le plus pathétique qu’il a eu à gérer. « Il s'agissait d'un jeune homme de 24 ans habitant aux Parcelles Assainies, dont le grand frère était venu à la maison avec sa moto, pour déjeuner et retourner au travail. Lorsqu’il est entré dans la maison, son jeune frère a décidé de prendre la moto, sans aucune protection, pour faire un tour. Non loin de là, il s’est fait percuter par un véhicule et il est mort sur le coup. »
L’Adjudant Coly se remémore l’instantanéité de la tragédie qu’il a vécue presqu’en direct. Il était de service ce jour-là et lorsque qu’il est arrivé sur les lieux, le policier de service lui a dit en pointant du doigt le domicile du jeune : « Je connais ce gosse ; je connais ses parents ; il habite juste là ». Un attroupement commençait déjà à se former devant la maison du jeune et la famille s’interrogeait sur son départ avec la moto, sachant que son frère devait retourner au travail. « Les voyant là, sachant qu’à l’instant même leur enfant était couché sans vie dans notre ambulance en route pour la morgue, je n’ai pas pu retenir mes larmes. Nous étions tous secoués par ce drame et ça me touche jusqu’aujourd’hui. »
Au Sénégal, les accidents de la circulation routière représentent 63,17% de tous les accidents. De manière constante au cours des 5 dernières années, les accidents de la route ont surtout fait des victimes parmi les piétons et les automobilistes : « Nos interventions de secours concernaient le plus des piétons et des motos renversés par un véhicule, ces deux catégories faisant au total 65 452 interventions. Ces deux catégories d’accidents font aussi le plus de victimes avec 107 434 enregistrées de 2017 à 2020 », se désole l’Adjudant Coly.
Parmi les causes majeures des accidents figure en grande place le facteur humain, avec les excès de vitesse, la négligence, l’imprudence et le non-respect des règles du code de la route. Pour prévenir cela, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a appuyé la formation de divers acteurs dont les secouristes et les chauffeurs.
« Ce qui est fondamental pour l’OMS, c’est de mieux outiller les intervenants, et aussi de convaincre les usagers de la route à adopter un meilleur comportement, chacun à son niveau et chacun dans son rôle. L’appui de l’OMS est venu en complément aux activités menées par la Croix-Rouge et le Service National de l'Education et de l'Information pour la Santé (SNEIPS), qui s’associent régulièrement pour conduire des activités dans le cadre de la prévention routière », explique Dr Idrissa Talla, spécialiste en maladies non transmissibles au bureau de l’OMS au Sénégal.
En novembre et décembre 2021, ces activités étaient au nombre de 76 et comprenaient entre autres des initiations aux gestes qui sauvent et des démonstrations du premier secours, des dotations de trousses de secours aux conducteurs, des causeries communautaires chez les usagers, la mobilisation sociale dans les établissements scolaires et le plaidoyer auprès des décideurs.
Sur la même période, l’OMS a appuyé des formations dans 11 départements des régions Dakar, Thiès et Diourbel avec 660 participants. Elles portaient sur comment porter secours à une victime de la route, quels sont les gestes essentiels, et ceux à éviter pour sauver des vies. En parallèle, des séances de sensibilisation ont été organisées dans 22 écoles et 22 gares routières, atteignant plus de 300 personnes.
Ousmane Ndoye, le président de l’Association nationale des personnes vivant avec un handicap (ANPAVH) créée en 2012, est une personnalité très connue dans la sensibilisation à la sécurité routière dans le pays. Victime d’un accident de la route en 2007, il a souhaité rassembler les victimes et aller vers les autres pour changer les choses : « Mon objectif était de rassembler d’autres personnes affectées par les accidents, de nous entraider pour faire face à nos difficultés, et de nous unir pour sensibiliser aux dangers de la route. A ce jour, nous sommes plus de 1000 membres à travers le pays. »
A présent technicien de carrosserie, Ndoye assiste pour adapter les véhicules des personnes ayant un handicap moteur afin qu’elles puissent retourner travailler. « C’est un projet très important que j’ai essayé de mettre en place mais il est à l’arrêt pour l’instant, faute de financement. Nous lançons un appel à toutes les bonnes volontés pour assurer l’autonomisation des personnes vivant avec un handicap, pour que nous puissions vivre une vie digne. »
La sensibilisation est au cœur des actions menées par l’ANPAVH. « Je me suis porté volontaire et je ferai tout pour réduire le nombre de décès. Nous les membres de l’ANPAVH, nous sommes les meilleurs exemples car notre handicap est visible et cela fait réfléchir. La prévention est essentielle pour arriver à bout de ce problème et nous voulons surtout que les jeunes comprennent les risques », estime Ndoye.
L’Adjudant Coly confirme cette tendance notée dans les statistiques de son unité : « Effectivement, les jeunes sont particulièrement vulnérables sur les routes au Sénégal. La tranche d'âge la plus affectée par les accidents est celle des 20 à 29 ans, et c’est le cas depuis plusieurs années », explique-t-il. « Cela nous conduit à plus cibler les jeunes dans nos actions et à leur faire comprendre qu’en étant plus prudents, en ne prenant pas de risques inutiles sur la voie publique, ils peuvent préserver leur vie - car elle est précieuse – et ils peuvent aussi préserver celles des autres. »
En plus des formations et sensibilisations, l’OMS fait aussi le plaidoyer pour des routes plus sécurisées et pour plus de contrôle du parc automobile, qui sont des causes majeures d’accidents.
Avec les initiatives prises pour prévenir les accidents, l’espoir renaît chez les acteurs impliqués dans la sécurité routière. Ces dernières années, une baisse a été constatée dans les accidents de la circulation qui sont passés de 17 213 en 2019 à 16 373 en 2020.
Pour les acteurs impliqués dans la sécurité routière cela est une lueur d’espoir. « Le quotidien d’un secouriste n’est pas de tout repos, mais notre engagement reste entier et nous sommes encouragés par l’amélioration des conditions sur la voie publique, aussi petite soit-elle. Le travail de prévention peut être difficile à certains moments mais pour nous, chaque accident évité et chaque vie sauvée en valent la peine. »
Chargée de communication
Bureau Régional de l'OMS pour l'Afrique
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Chargée de Communication
OMS Tchad
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