Lever les obstacles à l’accès aux services de vaccination, pour les personnes vulnérables en Côte d’Ivoire
Goly Amenan Mireil, aussi appelée "Mii", vivant avec son père, élève en classe de quatrième et enceinte de 7 mois, est en vacances à Konssou son village. Avec environ 3 000 habitants, Konssou est situé dans le département de Béoumi, dans le centre du pays. Arrivée au moment de la fin du focus groupe des adolescentes, pour des raisons de travaux champêtres, elle a malgré tout, tenu à nous dire son vécu. « Pour ma grossesse, je vais à l’hôpital et j’ai fait deux vaccins, mais j’ai aussi manqué des rendez-vous », nous a-t-elle dit. Concernant les vaccins contre la covid et de paludisme, elle dit clairement qu’elle n’y participera pas, parce qu’on lui a dit que « ces vaccins donnent des maladies ».
Le Gouvernement de Côte d’Ivoire, avec l’appui des partenaires techniques et financiers, consent beaucoup d’efforts multiformes en vue de venir à bout des maladies évitables par la vaccination. Malgré ces efforts, plusieurs zones du pays restent en deçà des attentes.
Dans le contexte spécifique des maladies évitables par la vaccination, il existe de fortes disparités régionales de couverture vaccinale observées, à travers des taux d’abandon spécifique (TAS) et taux d’abandon général (TAG) très élevés, dans les régions du Centre, du Nord, de l’Ouest et du Sud-est de la Côte d’Ivoire.
En décembre 2023, pour les vaccins du Programme élargi de vaccination (PEV), le district sanitaire de Béoumi, dans la région du Gbêkê a enregistré le plus fort TAS de 18 %. Le TAS le plus bas qui est de 12 %, a été enregistré dans le district sanitaire de Kaniasso, dans la région du Folon. Les six districts sanitaires concernés par cette enquête sont ceux avec des taux d’abandon spécifiques (TAS) de la vaccination parmi les plus élevés du pays.
Afin d’améliorer les taux indiqués des couvertures vaccinales de routine et des campagnes dans ces zones à faible couverture vaccinale, le pays a bénéficié de l’appui de l’OMS Côte d'Ivoire et du Gouvernement du Canada, à travers le fonds CanGIVE.
Le Ministère de la Santé et de l'Hygiène Publique et de la Couverture Maladie Universelle, avec l’appui de ses partenaires techniques et financiers (PTFs) du secteur Santé, notamment le Don du Canada (CanGive), dans l’objectif de mieux protéger les populations faces aux maladies évitables par la vaccination, a mené une enquête sur les obstacles liés au genre, à l’équité et aux droits humains, dans l’accès à la vaccination. Cette enquête menée du 05 au 17 mai 2024 a concerné les six (6) régions sanitaires de la Côte d’Ivoire : Dianra et Kaniasso, dans la région du Béré et Folon au nord du pays, Didievi et Béoumi dans la région du Bélier et du Gbêkè au centre, d'Adzopé dans la région de la Mé au Sud et de Zouan-Houenin dans la région du Tonkpi à l'ouest.
Le choix de ces 6 régions sanitaires, « s’est fait sur la base des données nationales de la vaccination de décembre 2023, selon les deux critères du taux d’abandon spécifique (TAS) et du taux d’abandon général (TAG) très élevés », dit le Professeur Adon Patrick, Expert OMS en Genre, Équité et Droits humains pour la vaccination.
Cette enquête aura mobilisé 15 enquêteurs repartis en 3 équipes, correspondant à chacun des trois circuits, et mis en œuvre 24 focus groupes et 60 entretiens individuels,
Ces focus groupes se sont déroulés sous la forme de causerie-débat. Ils ont impliqué des groupes de femmes, d’hommes, d’adolescentes et d'adolescents de diverses catégories professionnelles. la méthodologie adoptée a permis de créer une atmosphère de confiance afin que chaque intervenant puisse s’exprimer sans peur ni gêne. Ensuite, il y a eu des entretiens individuels pour approfondir les éléments autour des préoccupations particulières abordées par les concernés.
Au cours des échanges, plusieurs hommes ont indiqué que lors des campagnes de vaccination, ils laissent leurs femmes aller faire en premier les vaccins avant d’y aller eux-mêmes.
Avant de se rendre dans son champ, Mii donnera au passage des conseils aux jeunes filles élèves « de prendre des dispositions pour ne pas tomber enceinte ». Bien qu’elle n’ait pas pu prendre part au focus groupe des adolescentes, Mii a pu échanger avec un membre de l’équipe des enquêteurs, sur des sujets clé portant sur la vaccination. Ses préjugés sur la vaccination, suite à cet entretien, ont été levés, nous confiera-t-elle, avant de donner des conseils aux jeunes filles qui sont enceintes comme elle, « de veiller à ne manquer aucun vaccin pour elles-mêmes et pour leur enfant, pour ne pas être malade ».