Vers l’élimination de l’onchocercose : Une campagne digitalisée de distribution de médicaments au profit de 6 millions de personnes
Le Bénin marque un pas de plus vers l’élimination de l’Onchocercose. Le pays a organisé une campagne annuelle de traitement de masse (TDM) digitalisé contre l’onchocercose du 31 mars au 11 avril 2025. Cette campagne cible près de 6 millions de personnes, principalement les enfants âgés de plus de 5 ans et les adultes, dans 51 communes. En première ligne, les agents de santé communautaire qui ont eu à sillonner les ménages pour administrer des comprimés d’ivermectine. Cette pathologie, surnommée la « cécité des rivières », touche principalement les zones proches des cours d’eau où pullulent les mouches noires, vectrices du parasite « Onchocerca volvulus ».
Initiée par le Ministère de la Santé sous la coordination du Programme National de Lutte contre les Maladies Transmissibles (PNLMT), cette campagne s’inscrit dans le plan national d’élimination des maladies tropicales négligées (MTN). Elle bénéficie d’un appui technique de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour la coordination de l’approvisionnement des médicaments et de Sightsavers pour l’organisation de la campagne. « L’élimination des maladies tropicales négligées et plus particulièrement celle l’onchocercose dans tous les pays endémiques dont le Bénin, est une priorité pour Sightsavers. C’est à ce titre que le gouvernement britannique, Foreign, Commonwealth and Development Office (FCDO) à travers Sightsavers a accepté d’appuyer de façon exceptionnelle tout le processus du traitement de masse digitalisé au Bénin en 2025. C’est la preuve de l’engagement de tous les acteurs à ne laisser personne pour compte et à atteindre l’élimination de l’onchocercose d’ici 2030 » a déclaré Pélagie BOKO-COLLINS en charge du Programme de Lutte contre les Maladies Tropicales Négligées pour le Bénin et Togo à SightSavers.
Ensemble, ils visent l’élimination de la maladie d’ici 2030, à travers une stratégie fondée sur la gratuité des soins, l’implication communautaire et l’usage de solutions numériques pour un suivi en temps réel.
Les populations bénéficiaires témoignent avec gratitude de l’impact immédiat de cette opération. « On nous a expliqué que c’est pour nous éviter de devenir aveugles comme certains anciens du village. Moi, je ne savais pas que c’était une maladie qu’on pouvait prévenir. Maintenant je vais dire à tous mes enfants de ne jamais rater cette campagne. » témoigne Paulin Dossa, agriculteur de 62 ans à Lokossa dans le département du Mono.
Comme lui, des milliers de bénéficiaires ont salué cette initiative qui leur permet, enfin, d’accéder à des soins préventifs liés à la maladie.
L’onchocercose est une maladie chronique qui affecte la peau et les yeux. Les conséquences, souvent irréversibles, peuvent entraîner un isolement social, une perte d’autonomie et une incapacité à travailler. Dans certaines zones rurales du Bénin, la maladie est encore très présente, en particulier là où les conditions de vie sont précaires, l’environnement hostile (présence de simulies) et les services de santé difficilement accessibles. L’OMS rappelle que l’onchocercose est l’une des principales causes de cécité évitable en Afrique.
L’enjeu de cette campagne dépasse donc la simple administration d’un comprimé. Il s’agit de briser le cycle de transmission de la maladie dans les zones endémiques. Pour cela, près de 9.000 agents de santé communautaires ont été mobilisés dans 51 communes identifiées comme à risque. Formés en cascade, ces derniers ont joué un rôle essentiel dans l’identification des cibles, la sensibilisation des populations et la distribution des médicaments.
Cette confiance s’est traduite par une forte adhésion sur le terrain. Selon les premières estimations, la campagne aurait permis d’atteindre plus de 85 % de la population cible, dépassant ainsi le seuil minimal de couverture thérapeutique de 80 % recommandé par l’OMS.
L’une des grandes innovations de cette campagne réside dans l’utilisation d’outils numériques intégrés pour la collecte, la visualisation et le suivi des données.
Avec l'appui financier et technique de Sightsavers, et l’appui technique de l'OMS, et de CHAI (Clinton Health Access Initiative), l’intégration du module d’administration de la campagne a été finalisée par la Direction des Systèmes d’Information (DSI) sur la plateforme numérique existante Alafiacomm. L’intégration du module a permis aux agents de santé communautaires de saisir les données de traitement en temps réel directement depuis le terrain.
Une plateforme de visualisation et de géolocalisation a été développée avec le soutien technique des mêmes parties prenantes. Cette solution innovante a permis de suivre en temps réel les mouvements des relais communautaires sur le terrain, de surveiller les stocks de médicaments de calculer les taux de consommation et de géolocaliser les zones couvertes et non couvertes. Ceci, tout en affichant les indicateurs clés de performance, et générant des alertes, facilitant une supervision plus ciblée et efficace.
Cette digitalisation marque une avancée majeure dans la modernisation des campagnes de lutte contre l’onchocercose au Bénin. Elle a significativement permis un meilleur suivi logistique, une réduction des erreurs humaines et une réponse rapide aux besoins du terrain.
L’OMS, partenaire de longue date dans la lutte contre l’onchocercose au Bénin, a accompagné techniquement l’ensemble du processus. Des experts ont participé à la planification, à la formation des formateurs, et au suivi-évaluation de la campagne. Cet effort national s’inscrit dans une vision plus large portée par l’OMS au niveau mondial à savoir l’éradication des maladies tropicales négligées comme problème de santé publique. Le cas du Bénin est encourageant, d’autant plus que l’Onchcercose a déjà été éliminée dans certaines zones du pays grâce à des interventions soutenues. Les prochaines étapes incluent une surveillance épidémiologique renforcée, des enquêtes d’impact, et la poursuite des traitements de masse jusqu’à l’interruption totale de la transmission.