Enseignements tirés du déploiement des vaccins contre la COVID-19 en Afrique

Enseignements tirés du déploiement des vaccins contre la COVID-19 en Afrique

Au regard du déploiement actuel des vaccins contre la COVID-19 dans 47 pays africains et de l’administration de plus de 17 millions de doses sur le continent, les premiers résultats de la plus grande campagne de vaccination de l’histoire de l’Afrique sont porteurs d’espoir, d’inspiration et recèlent des enseignements certes précoces mais essentiels. Dans le document présent, nous mettons en exergue les principaux enseignements tirés des pays qui ont réalisé d’importants progrès, notamment l’Angola, le Ghana, Maurice et le Rwanda.

  1. Le rôle crucial de la planification et de la préparation

Près de 40 pays africains ont élaboré des plans nationaux de vaccination avant que les vaccins contre la COVID-19 ne commencent à arriver sur le continent. Nombre de ces plans ont été établis avec le soutien et les orientations de l’OMS.

Cette préparation précoce et de grande envergure porte ses fruits, dans la mesure où les pays dotés de plans efficaces et de capacités logistiques ont rapidement commencé à vacciner leurs groupes prioritaires.

Le Ghana, premier pays africain à avoir reçu des vaccins dans le cadre du Mécanisme COVAX, a atteint plus de 470 000 personnes dans les zones où le nombre de cas de COVID-19 est le plus élevé, en seulement 20 jours. Les personnes touchées représentent plus de 60 % de la population ciblée par la première phase et environ 90 % de l’ensemble du personnel de santé.

Le « préenregistrement » des populations sous-entend d’établir au préalable la cartographie des populations, puis la vérification et la prise de rendez-vous pour la vaccination. Un bon préenregistrement a été un maillon essentiel du dispositif de déploiement plus rapide et mieux ciblé des vaccins contre la COVID-19.

Le système électronique de préenregistrement en Angola a permis de s’assurer que les personnes ciblées savaient où et quand recevoir le vaccin, puis qu’elles étaient effectivement vaccinées. Les SMS, les confirmations par courriel et les codes QR pour la vérification sur place se sont avérés utiles dans la préparation de la livraison des deuxièmes doses, ainsi que dans la collecte de données pour la surveillance de l’innocuité des vaccins.

« La vaccination a démarré le 10 mars et, en deux semaines, nous avons vacciné plus de 70 000 personnes appartenant à des groupes prioritaires dans tout le pays, dont plus de 35 000 travailleurs de santé », explique Dr Alda de Souza, responsable du Programme élargi de vaccination (PEV) en Angola.

L’Angola a également beaucoup investi dans la logistique de la chaîne du froid et dans les unités de stockage pour s’assurer que tous les vaccins contre la COVID-19, notamment ceux qui doivent être conservés à très basse température, puissent être utilisés dans les prochains mois.

Une préparation et une coordination logistiques solides ont en outre été essentielles pour atteindre les personnes vivant dans des zones reculées. Au Ghana, des équipes de vaccination mobiles soutenues par des agents mobilisateurs ont atteint les personnes âgées ciblées vivant dans des communautés éloignées.

Des pays comme Maurice, le Rwanda et bien d’autres encore ont organisé à l’avance des exercices de simulation qui les préparaient à un déploiement de vaccins de grande envergure. Les pays qui ont mené ces exercices ont généralement connu des déploiements plus faciles et mis en place des procédures plus strictes en matière de réglementation et de sécurité.

Pour les équipes de vaccination, la fourniture d’équipements de protection individuelle (EPI) est essentielle, au même titre que la formation et la supervision, pour que les vaccinations puissent être effectuées en toute sécurité.

« Il est très important de noter que la lutte anti-infectieuse a été un élément clé du dispositif de déploiement des vaccins », souligne Fred Osei-Sarpong, chargé des questions liées à la vaccination au bureau de pays de l’OMS au Ghana. « Les vaccinateurs portent des masques, pratiquent une hygiène régulière des mains et respectent les protocoles de sécurité ».

  1. Les systèmes de santé existants : une base solide

« Au Rwanda, nous avons élaboré notre programme de vaccination contre la COVID-19 en nous appuyant sur l’expérience acquise avec d’autres maladies », explique le Dr Sabin Nsanzimana, directeur général du Centre biomédical du Rwanda.

« Nous nous sommes inspirés du système [existant], ce qui était plus facile et plus rapide, et nous disposions d’une capacité de stockage des vaccins exigeant des conditions particulières, notamment pour lutter contre la maladie à virus Ebola. Nous avions des équipes formées au déploiement des vaccins aux niveaux central, des districts et des communautés ».

À l’instar de plus de 40 pays de la Région africaine, le Rwanda a également utilisé l’Outil d’évaluation de l’état de préparation à l’introduction du vaccin contre la COVID-19 de l’OMS pour orienter et suivre sa préparation.

Le pays déploie trois vaccins différents, notamment Oxford/AstraZeneca, Pfizer-BionTech et Moderna, chacun ayant des exigences spécifiques en matière de stockage et de transport de la chaîne du froid.

S’appuyant sur ses infrastructures existantes, le Rwanda a renforcé ses capacités de stockage et de transport des vaccins Pfizer à l’aide de la chaîne de froid à très basse température et a démarré la vaccination à grande échelle deux jours seulement après l’arrivée des premières doses de vaccins anti-COVID-19.

Les vaccins Pfizer et Moderna sont distribués dans les hôpitaux et le vaccin AstraZeneca est utilisé dans les centres de santé du pays. Des groupes cibles ont été préétablis pour chaque vaccin.

L’Angola a aussi tiré parti de ses solides systèmes existants et de son expérience. Ce pays a élaboré sa campagne de vaccination contre la COVID-19 à partir des systèmes mis en place pour faire face à la flambée mortelle de fièvre jaune en 2017.

Concernant le Ghana, le déploiement des vaccins contre la COVID-19 s’appuie sur des années d’expérience dans l’éradication du poliovirus sauvage et d’autres campagnes de vaccination de masse et systématique.

  1. Une communication précoce, stratégique et persistante

La communication doit se faire très tôt afin de préparer les communautés à recevoir les vaccins, et doit s’inscrire dans le cadre de plans élargis de sensibilisation visant à freiner la propagation de la maladie.

Les premières données recueillies dans toute l’Afrique montrent que de nombreuses personnes sont impatientes de recevoir le vaccin, malgré des stocks très limités. Cependant, certains pays ont dû relever le défi qui consiste à vaincre la réticence de certaines personnes âgées à l’égard de la vaccination, tout en gérant la demande des jeunes et leur empressement à se faire vacciner contre la COVID-19.

Au Ghana, la communication et la génération de la demande concernant les vaccins contre la COVID-19 ont été fortes, avec des audiences et des messages clairs et un travail bien planifié à la radio, à la télévision, dans les médias sociaux et au sein des communautés, avec le concours de porte-paroles formés, de personnes influentes et d’organisations partenaires.

Les interventions se sont appuyées sur des évaluations et des analyses publiques préalables qui permettent de suivre les opinions et d’adapter les approches en fonction des préoccupations du grand public au fil du temps.

L’engagement politique étant essentiel pour vaincre la réticence à l’égard des vaccins, le Président du Ghana a été le premier citoyen ghanéen à se faire vacciner contre la COVID-19, en direct à la télévision nationale, le 1er mars dernier.

Il a été suivi peu après, également en direct à la télévision, par le Vice-président de la République, et la campagne de vaccination a véritablement démarré le lendemain avec un ancien président, des responsables politiques, des juges, des conseillers d’État, des membres de la famille royale et des chefs religieux de différentes confessions, qui ont tous reçu une dose de vaccin contre la COVID-19.

« Nous nous sommes appuyés sur des faits et des chiffres et nous avons diffusé l’information rapidement », a indiqué Fred Osei Sarpong. « Nous avons décidé de travailler sur la base de faits et en toute transparence, ce qui nous a permis de renforcer la confiance. ».

« Tout a été communiqué à l’avance à travers différents canaux », poursuit Osei-Sarpong. « Dans les communautés rurales, les centres d’information ont souvent des systèmes de sonorisation, que nous avons donc utilisés avec nos partenaires pour nous assurer que les populations savent où et quand se faire vacciner. »

  1. Le rôle indispensable des partenariats élargis

Un effort national considérable passe par une approche pansociétale, avant et pendant le déploiement des vaccins contre la COVID-19.

Grâce à l’engagement et à la coordination des ministères de la Santé, les partenariats au sein et en dehors du gouvernement se sont avérés cruciaux dans les pays qui ont enregistré les premiers succès.

L’Angola, le Ghana, Maurice et le Rwanda ont tous souligné la nécessité de mettre en place des partenariats multisectoriels aux niveaux national, régional et local, notamment avec des partenaires internationaux et des entreprises, surtout lorsque les ressources publiques sont trop sollicitées.

« La coordination au Ghana est excellente, des plus hauts niveaux jusqu’aux districts », souligne Osei-Sarpong. « Nous collectons des données robustes sur le terrain pour les soumettre aux organes décisionnels de plus haut niveau, et les autorités régionales et de district font le travail à leur niveau. »

Les partenariats sont également importants pour générer une demande de vaccins et pour communiquer avec les communautés, où les dignitaires religieux et culturels sont souvent respectés et écoutés.

Risques et défis

Malgré des débuts prometteurs, certains pays africains se retrouvent vite à court de vaccins contre la COVID-19. D’autres sont confrontés à des retards dus à un manque de fonds ou à une planification limitée.

Au 12 avril, moins de 2 % des 780 millions de doses de vaccin contre la COVID-19 distribuées dans le monde avaient été administrées en Afrique. Il est urgent d’accroître le nombre de doses pour maintenir l’élan et atteindre les objectifs détaillés dans le plan de déploiement des vaccins de chaque pays.

« Notre seul et véritable défi est que nous avons besoin de plus de doses pour atteindre notre objectif de vacciner 60 % de notre population d’ici l’année prochaine », explique Dr Sabin Nsanzimana, du Rwanda.

Le Bureau régional OMS pour l’Afrique a lancé un appel fort à la communauté internationale pour que le continent ne soit pas laissé pour compte et que le monde puisse mettre fin à la pandémie ensemble, car aucun pays n’est en sécurité tant que tous les pays ne le sont pas.

À travers la série de webinaires et de publications intitulée « Lessons in COVID-19 vaccine rollout » (Enseignements tirés du déploiement des vaccins contre la COVID-19), l’OMS s’efforce de recueillir, de présenter et de partager les expériences des pays d’Afrique avec les responsables politiques et les professionnels de la santé publique. Des recherches sur l’impact des vaccins contre la COVID-19 sont aussi en cours.

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Dr Ephrem T. Lemango

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