Protection contre la résistance aux antimicrobiens au Libéria

Protection contre la résistance aux antimicrobiens au Libéria

Monrovia – Peu après l’intervention d’urgence par césarienne qu’elle a subie en 2021 à l’Hôpital Phebe de Bong (Libéria), une jeune mère a été victime d’une urgence bien plus grave mais mystérieuse : une infection qui refusait de guérir est apparue au point de l’incision réalisée pour la césarienne.

Au cours de ses deux années à l’hôpital, la sage-femme Anne-Marie Kollinmore n’avait jamais vu une infection aussi persistante. Après l’administration de six types d’antibiotiques différents dans les trois semaines qui ont suivi la naissance, la santé de la patiente ne s’améliorant pas, la seule option qui restait était d’appliquer un traitement antibiotique coûteux à large spectre. Mais la patiente n’avait plus les moyens de payer un tel traitement.

Anne-Marie Kollinmore et ses collègues ont refusé de laisser l’infection gagner en ampleur. Ils se sont cotisés afin de couvrir les frais du traitement de la dernière chance, qui a duré un mois mais a été efficace.

Cette expérience a laissé Anne-Marie Kollinmore et ses collègues perplexes sur ce qui était arrivé à leur patiente. Ils voulaient des réponses, mais ne savaient pas non plus quelles questions poser.

« Après cet incident, nous avons effectué une évaluation et nous nous sommes rendu compte que dans certains dossiers de patients, environ 5 % d’entre eux, les raisons pour lesquelles les antibiotiques étaient prescrits n’étaient pas documentées », explique Anne-Marie, qui supervise le pavillon d’obstétrique et de gynécologie à l’Hôpital Phebe. « Cela s’explique principalement par le fait qu’il n’existe pas un solide programme de gestion à l’hôpital pour discuter des soins aux patients, du suivi des prescriptions et de la fourniture d’un retour d’information immédiat aux cliniciens. »

Ce sont des découvertes comme celle de l’Hôpital Phebe qui ont conduit le Ministère de la santé du Libéria, avec l’aide de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), à lancer en septembre 2021 un programme pour le bon usage des antimicrobiens. Aujourd’hui, Phebe est l’un des sept hôpitaux de quatre comtés (Bong, Grand Cape Mount, Lofa et Montserrado) qui imposent une vérification en laboratoire avant toute prescription d’antibiotique.

La menace de la résistance aux antimicrobiens et la prescription sans justification

« Antimicrobien » désigne les antibiotiques, les antiviraux, les antifongiques et les antiparasitaires. La résistance aux antimicrobiens se produit lorsque les bactéries, les champignons, les parasites et les virus qui rendent les humains et les animaux malades deviennent résistants aux médicaments conçus pour éliminer ces envahisseurs.

La résistance aux antimicrobiens constitue une crise de santé publique majeure en Afrique. L’OMS estime que la résistance aux antimicrobiens pourrait tuer 4,1 millions de personnes dans toute l’Afrique d’ici à 2050 si des pratiques plus prudentes de prise de médicaments ne sont pas suivies par l’établissement médical et par les individus, qui, par exemple, ne suivent pas la thérapie complète ou prennent des médicaments quand ceux-ci ne sont pas nécessaires.

D’après l’évaluation réalisée à l’Hôpital Phoebe, les données recueillies dans les dossiers des patients à l’aide de l’enquête de prévalence ponctuelle de l’OMS ont montré que la majorité (517, soit 63 %) des patients placés sous antibiotiques n’avaient pas de résultats de laboratoire confirmant la présence d’une infection.

Le Libéria a élaboré un plan d’action national sur la résistance aux antimicrobiens en 2018. Mais ses pratiques sont devenues plus strictes avec les directives nationales pour le bon usage des antimicrobiens qui ont suivi en 2021, avec l’appui de l’OMS et d’autres partenaires. L’objectif du Libéria est d’améliorer la surveillance et de favoriser l’usage rationnel des antimicrobiens dans les établissements de santé.

Cet appui comprenait des équipements de technologies de l’information et de la communication pour renforcer la surveillance et effectuer une évaluation de référence de la prescription d’antibiotiques et de la résistance dans les sept hôpitaux. En outre, 36 travailleurs de santé en première ligne ont été formés à la réalisation de tests de sensibilité aux antimicrobiens, avec un accent sur la gestion avisée du diagnostic. Et 78 travailleurs de santé en première ligne aux niveaux national et des établissements de santé ont bénéficié d’une formation technique portant sur la gestion efficace des antimicrobiens, ce qui leur permettra de devenir membres des équipes chargées de la gestion de la qualité médicale mises sur pied dans chacun des sept hôpitaux.

Seule la prescription avec justification est désormais pratiquée

Dans toute l’Afrique, l’OMS collabore avec les ministères de la santé et les établissements de santé pour instituer le bon usage des antimicrobiens. Là où il est pratiqué, le bon usage des antimicrobiens est censé améliorer la demande de services de laboratoire par les cliniciens et par les patients. Les équipes chargées de gérer la qualité médicale au Libéria, par exemple, se réunissent régulièrement pour planifier, réaliser et suivre les interventions sur les prescriptions et l’utilisation des médicaments essentiels, en mettant un accent particulier sur les antibiotiques et les antipaludiques. Des tournées dans les services d’hospitalisation et des conférences cliniques sont régulièrement organisées pour discuter des pathologies des patients et réfléchir aux traitements qui leur sont dispensés, à l’aide de points d’action spécifiques aux hôpitaux, ce qui permet finalement d’améliorer les interventions axées sur le bon usage des antimicrobiens.

« Nous avons constaté des améliorations progressives concernant les tests de sensibilité aux antimicrobiens et l’établissement de rapports entre 2021 et 2022 », affirme William Walker, technicien de laboratoire et microbiologiste à l’Hôpital Phebe. « Si l’infrastructure diagnostique de l’hôpital et les capacités techniques du personnel sont renforcées, cela aidera largement à favoriser la détection et la notification en temps utile des agents pathogènes résistants aux antimicrobiens et une meilleure surveillance de la prescription et de l’utilisation des antimicrobiens. »

Selon le Dr Munyah Mohamed Karvah, pharmacien supérieur à l’Hôpital Redemption (Libéria), la pharmacie n’accepte plus les commandes ouvertes de médecins ou de cliniciens sans preuve de laboratoire certifiant la commande. Si une ordonnance contient plus de trois antibiotiques, une demande de justification est adressée au médecin traitant.

« Nous n’acceptons plus le traitement des cas suspects de paludisme sur la base des impressions », explique le Dr Karvah. « Tout patient qui se présente au dispensaire doit produire les résultats de laboratoire aux pièces justificatives de la prescription. »

Et deux fois par semaine, l’unité du Dr Karvah, avec l’aide d’étudiants en pharmacie, effectue des examens indépendants pour évaluer les dossiers des patients et alerter sur les prescriptions douteuses.

« Depuis que nous avons commencé à appliquer le programme de gestion des antimicrobiens en 2021, à la suite de l’élaboration du plan national. Nous avons constaté une augmentation du nombre de cas signalés de résistance aux antimicrobiens, ce qui indique que la surveillance fonctionne. Il sera bon de déployer le programme dans les autres comtés », déclare la Dre Diana Smith, Coordonnatrice nationale de la résistance aux antimicrobiens au Ministère de la Santé du Libéria.

Le nombre d’hôpitaux au Libéria transmettant désormais des données sur la résistance aux antimicrobiens au Système mondial de surveillance de la résistance aux antimicrobiens est passé de trois en 2020 à six en 2022.

L’effort collaboratif pour le bon usage des antimicrobiens

Grâce à un financement du Ministère fédéral allemand de la santé et de l’Agence coréenne de coopération internationale, le bureau de pays de l’OMS au Libéria a collaboré avec le Ministère de la santé pour faciliter l’élaboration et l’expérimentation des directives pour le bon usage des antimicrobiens et de l’enquête sur la prévalence ponctuelle dans les sept hôpitaux des quatre comtés initialement ciblés. D’autres partenaires comme la coopération allemande (GIZ) ont aidé à l’établissement des sites sentinelles pour combattre la résistance aux antimicrobiens et mené des activités de gestion dans trois autres comtés du Sud-est du Libéria. Un projet de détection et de surveillance des maladies infectieuses de l’Agence américaine pour le développement international (USAID) s’efforce de renforcer les capacités des laboratoires du pays, notamment en ce qui concerne l’achat de réactifs et de consommables. Et Médecins sans frontières aide à gérer les activités de surveillance et de lutte contre de la résistance aux antimicrobiens dans son hôpital qui se trouve dans le comté de Montserrado.

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