Réduire le risque d'Ebola par l'isolement volontaire
Béni, 4 mars 2020 - À l'épicentre de l'épidémie d'Ebola, dans la ville de Béni au Nord-Kivu, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le ministère de la Santé de la République démocratique du Congo ont adopté une stratégie utilisée autrefois lors de l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest pour simplifier le travail essentiel de surveillance des contacts des patients.
Depuis décembre 2019, les contacts à haut risque, qui sont les plus susceptibles d'être infectés et de transmettre la maladie, ont la possibilité de séjourner dans un logement communautaire pendant toute la période d'incubation de 21 jours. Sur le site spécialement adapté aux contacts, tous les repas sont fournis et les volontaires passent plusieurs examens médicaux par jour. Ceci réduit à la fois leur propre risque grâce à une détection précoce, et également risque pour la communauté en limitant la possibilité de propagation de la maladie.
Dans la région de Kanzuli Nzuli, où 46 personnes se sont portées volontaires pour une isolation dans un hôtel partiellement construit, Brigitte Asiya Madola cuisine et sert un copieux déjeuner composé de pommes de terre et de petits pois. Elle est une survivante d'Ebola et donc immunisée, ce qui signifie qu'elle peut travailler avec des contacts à haut risque comme les personnes qui séjournent ici, dont beaucoup sont des parents de patients atteints d'Ebola.
« Nous mangeons bien ici », déclare Doti Kavugho, 30 ans, qui a choisi l’isolement volontaire avec trois de ses enfants après que son neveu soit mort d'Ebola. « Les gens disent à la cuisinière ce qu'ils aimeraient manger et elle fait un menu pour la semaine. Nous sommes à l'aise ici ».
Zoe Kyavaghandi travaille dans l'équipe d'engagement communautaire et dirige actuellement ce site d'isolement pour le compte de l'OMS. « Plus nous rassemblons de contacts, plus nous réduisons la réinfection au minimum », dit-elle. « Ils sont surveillés de plus près. Dans la communauté, ils peuvent faire ce qu'ils veulent ; mais quand ils sont ici, le nombre de personnes avec lesquelles ils sont en contact est limité. »
Lorsqu'il y a un cas d'Ebola et que des contacts sont identifiés, Zoe leur rend visite accompagnée d'un psychologue et d'un membre d'une équipe de surveillance pour leur expliquer les risques que pose leur statut et les avantages du programme d'isolement. Les contacts peuvent ensuite opter de se rendre sur place, où les résidents et le personnel sont prêts à répondre à leurs questions. C'est généralement le facteur décisif, explique Zoe, car les gens peuvent ensuite décrire le site à leur famille et à leur communauté, et dissiper les mythes qui entourent l'isolement volontaire avant de décider de s'isoler eux-mêmes. « Le consentement est très important », dit Zoe. « La visite du site donne de la crédibilité au processus au sein de la communauté. »
Pour Papy Musas, chef d'équipe de l'OMS à Beni, la stratégie d'isolement volontaire a été un outil précieux non seulement pour ralentir la propagation de l'épidémie mais aussi pour réduire le nombre de décès. « Plus tôt une personne est testée, meilleures sont ses chances de se rétablir. Nous préférons qu'ils soient dans un endroit très sûr où ils peuvent être surveillés 24 heures sur 24. Ce système nous permet de sortir les gens à temps et ils ont de plus grandes chances de guérir. »
Dans l'enceinte, l'hébergement est rudimentaire mais confortable. Si certaines familles dorment dans des chambres, d'autres partagent de grandes tentes, avec des lits et des moustiquaires. L'hygiène est cruciale, c'est pourquoi chaque famille reçoit un kit de lavage à son arrivée, et des stations de lavage des mains sont placées à intervalles réguliers dans l'enceinte. Comme les femmes sont les plus susceptibles de prendre en charge les malades et de s'occuper des enfants, les mères et leurs enfants représentent la majorité de la population du site d'isolement. Les enfants sont pourvus de jouets et il y a une salle de télévision.
Pourtant, il n'est pas toujours facile de persuader les gens de s'isoler volontairement. « La résistance est normale », dit Zoe Kyavaghandi. « Nous sommes en Afrique, chacun est attaché à sa famille et à son foyer. C'est pourquoi nous organisons des séances avec des psychologues pour les aider, mais nous essayons aussi de faire tout notre possible pour les appuyer à surmonter les problèmes qu'ils rencontrent. S'ils ont un besoin urgent et que nous pouvons faire quelque chose pour eux, nous le faisons, pour leur donner confiance ».
La résidente Doti Kavugho encourage les autres à suivre son exemple. « Le message que je donnerais aux autres est que nous vivons bien ici : nous mangeons bien, nous dormons bien, nous sommes bien suivis par l'équipe d'intervention Ebola ».
Bien que certaines personnes ont du mal à s'adapter, la plupart comprennent l'importance de l'isolement volontaire pour leur communauté et pour leur propre santé, explique Zoe. Et lorsque ceux qui quittent le site d'isolement rentrent chez eux, ils apportent avec eux une plus grande connaissance de l'hygiène et des mesures de prévention du virus Ebola, dont leurs communautés peuvent bénéficier pendant bien plus que 21 jours.
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