Risques et difficultés liés au déploiement des vaccins contre la COVID-19 en Afrique
La plus grande campagne de vaccination jamais organisée en Afrique est en cours. En effet, 49 pays africains déploient les vaccins contre la COVID-19 et plus de 22 millions de doses de vaccin ont déjà été administrées sur l’ensemble du continent. Des enseignements précieux émergent de cette campagne de vaccination. Toutefois, des risques et difficultés majeurs menacent les progrès fragiles réalisés par l’Afrique.
Problème d’approvisionnement
Les pays africains, en particulier les quelque 40 pays qui dépendent des doses livrées par le canal du COVAX et du Serum Institute of India sont laissés pour compte, car les vaccins mis au point en Inde sont utilisés essentiellement pour les besoins de ce pays.
À ce jour, seulement 1 % du 1,3 milliard de doses de vaccins contre la COVID-19 administrées dans le monde l’ont été en Afrique, contre 2 % il y a quelques semaines.
« Nous faisons face à un véritable problème d’approvisionnement », déplore Dr Richard Mihigo, coordonnateur du programme Vaccination et mise au point des vaccins au Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique. « Le plus important pour l’Afrique est d’utiliser, sans tarder, toutes les doses dont nous disposons afin de protéger nos populations les plus vulnérables. »
Compte tenu de la date de péremption très prochaine de certains vaccins, l’OMS recommande aux pays de donner la priorité à l’administration de la première dose à un maximum possible de personnes les plus à risque.
D’après la modélisation, l’administration d’une seule dose de vaccin à un plus grand nombre de personnes dans les groupes de population les plus prioritaires réduira considérablement les taux de mortalité par rapport à la vaccination de la moitié de ce nombre de personnes avec deux doses de vaccin.
« Nous sommes conscients des problèmes urgents auxquels l’Inde est confrontée – et l’OMS apporte son soutien dans la mesure du possible – mais nous espérons que les deuxièmes doses arriveront rapidement en Afrique pour que les populations soient totalement immunisées », souligne Dr Mihigo.
Un déploiement lent
Le déploiement du vaccin contre la COVID-19 a été exemplaire dans certains pays africains et huit d’entre eux ont déjà utilisé la totalité de leurs doses fournies grâce au Mécanisme COVAX. Or, neuf pays ont administré moins d’un quart de leurs doses et 15 autres en ont utilisé moins de la moitié.
« Il est fort possible que certains rapports de pays africains à l’OMS soient incomplets », regrette Dr Ephrem Lemango, expert de la vaccination essentielle et des soins de santé primaires à l’OMS. « Cependant, il est évident que plusieurs pays doivent redoubler d’efforts en vue d’utiliser leurs vaccins. »
Les facteurs à l’origine de ces retards sont l’indisponibilité de fonds, le manque de professionnels formés et la réticence des populations vis-à-vis du vaccin contre la COVID-19. Dans certains pays, une planification insuffisante, notamment pour cibler les groupes prioritaires et les populations difficile d’accès, freine le déploiement des vaccins.
Ressources financières insuffisantes
La plupart des pays africains ont alloué des fonds pour couvrir le coût du déploiement du premier lot de vaccins, et certains pour atteindre tous les agents de santé. Cependant, les déficits de financement représentent une menace croissante au fur et à mesure que le nombre de personnes à atteindre augmente et que les zones à couvrir sont de plus en plus éloignées des grandes villes.
Dans certains pays africains, le manque de ressources financières entraîne déjà des retards dans le déploiement des vaccins. À cela s’ajoutent le manque de vaccinateurs, une formation de niveau inférieur, une communication insuffisante pour favoriser l’adoption des vaccins et l’incapacité à collecter des données importantes ou à imprimer et distribuer des carnets de vaccination.
« L’engagement et les ressources nationales sont extrêmement importants », déclare Dr Phionah Atuhebwe, fonctionnaire technique pour l’introduction des vaccins au Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique.
« Lorsque la République de Côte d’Ivoire a demandé à recevoir des vaccins du mécanisme COVAX qui nécessitent des chaînes de froid à très basse température, le gouvernement était prêt à mettre à disposition l’avion présidentiel pour le transport du kit. C’est exactement le type d’engagement dont nos pays ont besoin. »
Les partenaires du mécanisme COVAX s’engagent à fournir gratuitement jusqu’à 30 % des doses de vaccins en Afrique. Toutefois, les pays africains devront financer les vaccins pour couvrir le reste des personnes qu’ils souhaitent vacciner, tout en investissant dans les systèmes nécessaires au déploiement du vaccin.
Selon les estimations de la Banque mondiale, l’Afrique a encore besoin d’environ 12 milliards dollars pour atteindre suffisamment de personnes en vue de garantir une protection suffisante contre la COVID-19.
Innocuité et réticences vis-à-vis des vaccins
Plusieurs pays africains ont suspendu ou interrompu le déploiement de leurs vaccins en raison de problèmes d’innocuité de ces derniers. En effet, la crainte d’effets secondaires indésirables rapportés en Europe et aux États-Unis a été à l’origine de la plupart de ces inquiétudes.
La suspension de l’utilisation du vaccin AstraZeneca chez les adultes plus jeunes en Europe a également eu un impact sur l’adoption du vaccin par les jeunes travailleurs de la santé dans certains pays africains.
En outre, les inquiétudes concernant l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19, ainsi que les mythes et la désinformation, se propagent rapidement sur les réseaux sociaux. À ces problèmes viennent s’ajouter la réticence des populations vis-à-vis des vaccins.
Plusieurs pays africains n’ont qu’une capacité limitée pour contrôler et signaler les effets indésirables post-vaccinaux, pour enquêter sur les événements indésirables graves et pour partager des informations factuelles avec leurs populations sur les avantages et les risques liés aux vaccins.
Cibler les personnes plus à risque
Les travailleurs de la santé sont faciles à trouver dans les hôpitaux et les dispensaires, mais les personnes âgées et celles souffrant d’affections les exposant à un risque plus élevé de contracter la COVID-19 ne sont pas toujours faciles à identifier, en particulier dans les zones éloignées.
Certains pays africains ont inscrit leurs groupes prioritaires avant l’arrivée des vaccins, et des pays comme l’Angola, le Ghana et le Nigéria ont utilisé les mobilisateurs communautaires pour faire du porte-à-porte afin d’établir une liste des personnes à l’avance.
Pourtant, dans plusieurs pays africains, les autorités ne disposaient pas d’une documentation complète et correcte sur les situations géographiques, les âges et les informations à jour sur les conditions existantes, ni des ressources nécessaires pour les énumérer à l’avance.
Pour ces raisons et afin d’éviter le gaspillage de vaccins, une partie des doses a été utilisée pour vacciner des personnes qui ne faisaient pas partie des groupes les plus prioritaires dans certains pays africains.
Utilisation de différents types de vaccin
Le Botswana, le Rwanda et plusieurs autres pays africains déploient plus de trois types différents de vaccin contre la COVID-19.
Si ce déploiement est bien géré, cela pourra permettre à un plus grand nombre de personnes d’être rapidement protégées. Toutefois, cela peut également créer des difficultés, notamment pour contrôler qui reçoit quel type de vaccin, pour connaître les différentes exigences en matière de logistique et de stockage et pour former les vaccinateurs à administrer les différents types vaccins.
De plus, les données sur l’innocuité et l’efficacité de chaque vaccin étant différentes, il peut également être plus difficile pour les gouvernements de sensibiliser leurs populations à l’importance de se faire vacciner.
L’OMS recommande aux pays d’administrer le même vaccin pour les deux doses. Cependant, compte tenu de la baisse de l’approvisionnement en vaccins, les pays pourraient être contraints d’utiliser des vaccins différents pour les secondes doses ou de subir des retards importants entre l’administration des doses.
Perturbations des services de santé essentiels
Plus d’un tiers des pays africains ont signalé des perturbations des services essentiels de santé et de vaccination durant la pandémie et au début de la campagne de vaccination contre la COVID-19.
Les deux tiers de ces pays ont indiqué que la réaffectation du personnel pour assurer la prise en charge des personnes atteintes de la COVID-19 était la principale cause de ces perturbations. Cependant, la crainte de contracter la COVID-19 a également entraîné une baisse du nombre de patients cherchant à se faire soigner pour d’autres pathologies.
En 2020, 15 pays africains ont différé leurs campagnes de vaccination contre la rougeole pour consacrer leurs efforts sur la riposte à la pandémie de COVID-19. Sept de ces pays ont mené à terme leurs campagnes de vaccination contre la rougeole, mais les huit autres restent à la traîne et sont de ce fait exposés à des risques de nouvelles flambées de rougeole.
Bien que les perturbations des autres campagnes de vaccination semblent se réduire, elles constituent toujours une menace. Le déploiement des vaccins contre la COVID-19 fera au moins doubler la charge qui pèse sur les fabricants de vaccins en Afrique et nécessitera une augmentation de la capacité de la chaîne du froid et un financement accru.
« Depuis le début de la pandémie, l’OMS a été au centre du déploiement des vaccins en Afrique et a appuyé les pays africains », a affirmé Dr Mihigo. « Nous nous efforçons de coordonner tous les efforts, en donnant des orientations stratégiques et techniques ainsi qu’un appui adapté aux pays africains en collaboration avec un ensemble de partenaires. »
L’OMS assiste les pays africains dans l’évaluation et l’atténuation des raisons du déploiement limité des vaccins observé jusqu’à présent.
À travers la série de webinaires et de publications intitulée Lessons in COVID-19 vaccine rollout (Enseignements tirés du déploiement des vaccins contre la COVID-19), l’OMS s’efforce de recueillir, de présenter et de partager les expériences des pays d’Afrique avec les responsables politiques et les professionnels de la santé publique. Des recherches sur l’impact des vaccins contre la COVID-19 sont également en cours.
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