Au Bénin, le rôle crucial des psychologues dans la lutte contre la COVID-19

Au Bénin, le rôle crucial des psychologues dans la lutte contre la COVID-19

Cette année, la Journée mondiale de la santé mentale est célébrée dans un contexte spécial, celui de la pandémie de COVID-19. Au-delà de l’impact direct de la maladie sur la santé physique des malades, la COVID-19 crée de nombreuses difficultés collatérales aux patients et à leurs proches ainsi qu’à toute la population mondiale, en particulier sur les plans psychique et psychologique.

Le thème de la Journée mondiale de la santé mentale cette année, vise à favoriser l’investissement en faveur de ce secteur. Il se justifie par le fait que la santé mentale est l’un des domaines les plus négligés de la santé publique. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, plus de 75 % des personnes atteintes de troubles mentaux, neurologiques ou dus à l’usage de substances psychoactives ne sont pas soignées du tout.

« Les facteurs de risques de la santé mentale ne font pas l’objet d’attention soutenue de la part des autorités politiques. Le stress professionnel et le Burnout prennent de l’ampleur dans les milieux de travail et réduisent les rendements professionnels. A tout cela s’ajoutent les crises sanitaires dont celle en cours de la COVID-19 dont la gestion reste difficile et qui continue de mobiliser l’attention de la communauté et des organisations internationales, particulièrement l’OMS » explique le Professeur Grégoire Magloire Gansou, Directeur du Centre National Hospitalier Universitaire de Psychiatrie de Cotonou.

Dès les premiers instants de la crise sanitaire, l’OMS a tiré la sonnette d’alarme, quant aux répercussions de la pandémie sur la santé mentale et a appelé les dispensateurs de soins spécialisés à la nécessité d’une prise en charge psychologique adéquate des patients, de leur entourage, mais aussi du personnel soignant, et de toute personne qui en aurait besoin, en publiant une note intitulée « considérations liées à la santé mentale et au soutien psychosocial pendant la pandémie de COVID-19 ».

Au Bénin, moins de deux semaines après l’annonce du premier cas de COVID-19, le Ministère de la santé a déployé sur le terrain, des psychologues pour soutenir la riposte. Madame Urlermine Lodonou et Monsieur Codjo Djankpa, psychologues cliniciens en service au Centre National Hospitalier Universitaire de Psychiatrie de Cotonou depuis 2011, ont été parmi les tous premiers psychologues à avoir accepté de participer à la riposte.

 « Au début de la riposte nous nous occupions de la prise en charge psychologique des personnes mises en quarantaine dans des hôtels ou en confinement chez eux à domicile. Le travail consistait à faire des entretiens téléphoniques. Cependant, il arrivait que nous fassions des entretiens face à face. Dans ce cas, nous portions une combinaison (EPI). Nos journées de travail commençaient à 8 heures et finissaient généralement très tard dans la nuit avec la possibilité d’être rappelés en cas de soucis. » se rappellent-ils.

Le travail du psychologue dans la lutte contre la COVID-19 consiste à l’écoute, à la réassurance, à la dédramatisation de la situation, au soutien psychologique, à l’appui dans la résolution des problèmes liés à la gestion de la situation, à la pratique d’exercices de respiration abdominale, à la psychoéducation, au partage d’informations sur les possibilités et les mesures de prise en charge mises en place par l’Etat Béninois à l’annonce des résultats, notamment ceux positifs, à de la psychothérapie de soutien, au relevé des problématiques engendrées par la COVID-19, au fait de faire ressortir les émotions liées à la pandémie et mettre en place, des techniques de gestion des émotions, à la pratique de séances de relaxation par la technique de Jacobson, à la gestion du stress, à la réinsertion familiale des personnes en isolement ou en quarantaine et parfois à l’accompagnement familial.

Avec madame Lodonou et monsieur Djankpa, ils sont en tout une dizaine de psychologues à avoir été associés à la riposte au Bénin. Stigmatisés tant sur leur lieu de service qu’en famille, ils ont dû faire face à plusieurs changements.

« Nous faisons face à un changement du rythme de travail, nous sommes plus présents sur les lieux de prise en charge de la COVID-19 que sur les lieux d’exercices professionnels et en famille, nous vivons un stress quotidien dû à la diversité des préoccupations exprimées par la population auxquelles il nous faut apporter des réponses et nous travaillons tous les jours sans repos. » indique Monsieur Djankpa

En effet, depuis le début de la pandémie, Urlermine et Codjo ont apporté un soutien psychologique à plus d’un millier de personnes, et donnent en moyenne 40 consultations par jour.

« Malgré cela, nous essayons de trouver un créneau pour passer sur notre lieu de travail, le Centre National Hospitalier Universitaire de Psychiatrie de Cotonou, pour combler un peu le vide créé par notre absence auprès de nos malades. » ajoute Monsieur Djankpa.

Si l’on ajoute à ce tableau, la nécessité de réduire les contacts avec leurs proches, on comprend mieux pourquoi ces praticiens s’auto-appliquent une discipline ferme de travail, de relaxation et de sport pour pouvoir accomplir pleinement leur tâche.

En Mai 2020, l’Etat béninois a revu les formalités d’entrée par l’aéroport de Cotonou. Depuis lors, les psychologues impliqués dans la riposte à la COVID-19 ont été redéployés sur le site de l’aéroport et sur le site de prise en charge des patients de la COVID-19.

« Sur ces nouveaux sites le contact est plus physique, avec une demande réelle et considérable de la population par rapport à l’accompagnement psychologique. Nous restons toujours en contact avec les patients même après leur réinsertion socio-professionnelle et ils nous sollicitent dès qu’ils en sentent le besoin. » souligne Madame Lodonou.

Ces propos sont corroborés par ceux des patients, dont deux ont accepté de témoigner sous le couvert de l’anonymat.

A.D., militaire de profession a été diagnostiqué positif au test de COVID-19 lors d’une séance de dépistage sur son lieu de travail. A l’annonce du résultat, il reconnait avoir été stressé « J’étais moralement abattu, j’ai eu très peur. Je n’avais jamais vécu cette situation de ma vie. Mais les séances avec le psychologue m’ont soulagé. Il m’a appris comment me maitriser et respirer face à une situation de peur et de stress. Ce qui a fait que je suis resté en contact avec ce psychologue jusqu’à ce jour. » déclare – t – il.

Z.C., auxiliaire de pharmacie, a également été testée positive lors d’une séance de dépistage sur son lieu de travail. « Après qu’on m’ait informée de la situation, j’ai paniqué. Je ne savais même pas comment en informer les parents jusqu’à ce que l’on m’amène dans un hôtel pour prendre des médicaments. Tout s’est fait très rapidement » se rappelle – t -elle. « La prise en charge psychologique a eu sur moi un impact positif. C’est grâce au psychologue que je me suis retrouvée dès le lendemain de l’annonce des résultats. Je n’avais pas dormi cette nuit-là. Et grâce à son soutien le moral est revenu. Après cette période une fois chez moi, j’ai eu un suivi, une aide particulière concernant ma santé. J’apprécie beaucoup ce geste. » ajoute – t -elle.

Sur la base de l’expérience acquise dans la riposte à la COVID-19, Monsieur Djankpa et Madame Lodonou, estiment qu’il faut intensifier la sensibilisation de la population sur le rôle du psychologue d’une part et associer d’avantage ces praticiens dans la mobilisation sociale et la communication pour un changement de comportement face à la pandémie.

« La population doit comprendre que le psychologue est mis à disposition pour écouter et aider. Le recours à la psychologie n’est pas synonyme d’être un malade mental. Le psychologue aide à verbaliser les difficultés de différents ordres, les émotions et à les gérer par des techniques de psychothérapie. Nous souhaiterons que l’Etat béninois déploie sur l’ensemble du territoire national, des équipes de psychologues cliniciens pour accompagner la sensibilisation de la population sur la pandémie et les mesures barrières. » concluent - ils.

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Ameyo Bellya Sékpon

Chargée de communication en appui aux pays francophones
Bureau régional Afrique de l’OMS
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Francois Agossou

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