« Le cancer a beau être une maladie redoutable, on peut en guérir ! »
C’est la conviction de Madame Agrippine Nahogwamiye. La cinquantaine et mère de cinq enfants, cette économiste d’origine burundaise, spécialiste du développement rural intégré a fait l’expérience de cette maladie qu’elle a finalement vaincue grâce à une prise en charge rapide, mais aussi à force de foi, de courage et de soutien de son entourage. Après sa guérison, elle a fait de la sensibilisation son cheval de bataille à travers l’association qu’elle a mise en place pour défendre et soutenir la cause des malades du cancer dans son pays. A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le cancer, Mme Nahogwamiye partage son histoire et comment elle s’en est bien sortie de cette maladie. TEMOIGNAGE !
La maladie et moi !
« J’ai passé beaucoup temps à faire le tour des hôpitaux pour me faire soigner d’un mal qui me rongeait depuis plusieurs années et dont la nature et l’origine m’étaient totalement inconnues. J’étais fatiguée au moindre effort, j’avais des douleurs au niveau du sein et ne pouvais mener une vie professionnelle normale. A l’issue d’interminables consultations ici au Burundi, j’ai pris la décision d’aller me faire soigner en Inde. Et c’est là-bas, après des examens pointus, qu’on m’annonça que je souffrais du cancer du sein. C’était en 2016, alors que je ressentais les symptômes depuis 2012.Ce fut le jour le plus difficile de ma vie. C’était comme si le ciel me tombait sur la tête. La nuit en plein jour quoi ! J’étais complètement abattue, surtout que je me retrouvais seule en Inde là-bas, loin des miens. Je n’avais personne pour me soutenir, me remonter le moral. Mais armée de ma foi en Dieu j’ai pu tenir bon. Pour ne pas inquiéter les miens, j’ai gardé le secret pour moi. Quand mon mari m’a téléphoné pour me demander les résultats des examens effectués, j’ai dû lui cacher la vérité en lui disant que ce n’était rien de grave et que je prenais déjà des médicaments pour guérir. C’est à mon retour au pays que j’ai pu lui annoncer que j’avais le cancer. Bien évidemment la nouvelle fut tout autant dévastatrice pour lui. Chaque nuit il me réveillait pour me demander comment nous allons faire, où allions-nous trouver les moyens financiers pour assurer le traitement ? »
Défis après l’annonce de la maladie !
« Le plus grand défi était où trouver les moyens financiers pour le traitement ? Comme vous le savez, le traitement d’une maladie comme le cancer coûte excessivement cher. Avec nos maigres ressources il n’était pas évident que nous nous en sortions.
Le Burundi ne disposant pas dans le temps de spécialistes de qualité et des équipements nécessaires pour une bonne prise en charge d’une telle maladie, la seule solution qui s’offrait à moi était de repartir en Inde pour subir le traitement. Mais où trouver l’argent pour le faire ? On a dû recourir au prêt bancaire et bénéficier du soutien des amis et des parents pour que mon traitement puisse être possible.
L’autre défi, ce sont les aléas du traitement. C’est un traitement qui est très dur à supporter avec des médicaments à effets secondaires atroces. Mais j’ai pu faire face à tout cela grâce au soutien moral et affectif des membres de la famille qui m’a accueillie en Inde. Car en dehors du traitement purement médical il y a le soutien des proches qui joue très fortement dans la guérison de la personne malade. Et je dois vous dire que la survenance des effets secondaires était l’une des étapes les plus marquantes du traitement, surtout au moment où j’ai commencé par perdre mes cheveux…rires !!! Un autre moment marquant c’est quand j’avais commencé à développer des réactions par rapport à l’augmentation des doses des médicaments que m’administraient les médecins traitants. Honnêtement j’ai failli mourir. C’est un traitement très lourd et hyper épuisant. Mais tout cela relève du passé. Aujourd’hui je me sens bien. J’ai repris goût à la vie ».
Quid de la lutte contre le cancer au Burundi ?
« Je dois avouer qu’aujourd’hui le Burundi a connu des avancées en matière de lutte contre le cancer. Au moment où je me battais contre la maladie, mon pays ne disposait presque pas de médecins spécialistes encore d’infrastructures pour une bonne prise en charge. Mais les autorités du pays ont écouté les cris de cœur des malades du cancer regroupés au sein de l’association que j’ai créée et beaucoup de médecins ont commencé à s’intéresser à la maladie en s’approchant de nous. Ce qui fait qu’aujourd’hui nous avons des médecins cancérologues, oncologues dans le pays ; il existe un centre spécialisé de dépistage et de traitement du cancer, le CMCK (Centre Médico-chirurgical de Kinindo).
Je voudrais saisir cette occasion pour saluer l’initiative du Gouvernement qui a en projet de doter le pays d’un centre de cancérologie qui sera érigé dans l’enceinte de l’Institut National de Santé Publique (INSP). A côté de ces avancées nous poursuivons nos activités pour sensibiliserles uns et les autres que le cancer peut bel et bien se guérir, mais qu’il y a moyen aussi de l’éviter.
Les gens sont donc davantage sensibilisés et n’ont plus la peur bleue quand on leur annonce qu’ils ont le cancer. Ils savent quelles précautions prendre, vers quelles structures se diriger pour une bonne prise en charge.Et le coût revient beaucoup moins cher que d’aller à l’étranger pour se faire soigner.
Il faut que chacun soit responsable de sa santé pour réduire au maximum les risques de prévalence du cancer au Burundi. Nous voudrions saisir cette opportunité pour en appeler au Gouvernement de bien vouloir nous aider dans l’approvisionnement des médicaments du cancer, l’accès aux soins de santé et l’existence d’un plateau technique performant pour permettre aux médecins de faire des diagnostics précoces, fiables et procéder à la prise en charge efficace des patients. Comme ça on aura beaucoup évolué dans la lutte contre la maladie ».
Mon message à tout un chacun !
« Autant que nous sommes nous devons savoir qu’il y a plusieurs types de cancers. Et certains peuvent être détectés très tôt. Par exemple chez la femme il y a le cancer du col de l’utérus, le cancer du sein qui ont des signes qui montrent qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Pour le cancer du sein, on peut de temps en temps palper les seins pour voir s’il n’y a pas des nodules (petites boules dans les seins). En cas de soupçon, se référer à un centre spécialisé pour un diagnostic poussé. Pour les hommes il y a le cancer de la prostate qui se révèle aussi par des signes spécifiques. Les médecins conseillent même qu’à partir d’un certain âge, il faut aller se faire dépister pour voir s’il n’y a pas de problème. C’est en cela que je disais un peu plus haut que chacun doit être responsable de sa santé pour qu’à chaque petit signe, il faut se présenter à l’hôpital pour des examens approfondis. Ce qui donne plus de chances, plus de possibilités de guérison.
Pour ceux qui sont déjà malades, il leur faut beaucoup de force et de courage pour faire face à la maladie et se dire que le cancer peut se guérir.
C’est vrai que le parcours pour parvenir à la guérison totale est quelque peu long et harassant, mais quand on se sait malade très tôt et qu’on s’oriente vers les soins appropriés on s’en sort toujours avec joie et bonheur. En cela le rôle de l’entourage, de la famille est très déterminant dans la prise en charge d’un malade de cancer.
La guérison est plus facile et rapide si la personne souffrante est bien entourée et bénéficie de l’amour et de l’affection de ses proches ». Le cancer est certes une maladie redoutable, mais elle peut belle et bien se guérir. J’en suis un exemple vivant.