La Journée mondiale de lutte contre la poliomyélite se célèbre à un moment charnière de notre mission d’éradication de la poliomyélite. L’objectif d’une Afrique exempte de poliomyélite est plus proche que jamais, mais il reste encore beaucoup à faire.
Au moment où je me prépare à quitter mes fonctions de Directrice régionale de l’Organisation mondiale de la Santé pour l’Afrique, je réfléchis au chemin que nous avons parcouru dans la lutte contre la poliomyélite. Il ne s’agit pas seulement d’une réflexion sur une décennie de défis et de triomphes, mais d’une méditation sur la capacité de l’esprit humain à surmonter l’adversité grâce à un objectif et à un engagement communs. Il s’agit d’un chemin caractérisé par la détermination d’innombrables personnes à travers le continent, de gouvernements, d’agents de santé et de communautés qui nous ont rapprochés plus que jamais du rêve d’une Afrique exempte de toutes les formes de poliomyélite, un virus qui peut provoquer la paralysie et la mort en l’espace de quelques jours.
Cette année, notre région a franchi des étapes importantes, notamment le succès notable de Madagascar, qui n’a pas détecté de variante circulante du poliovirus de type 1 (cVDPV1) pendant une année entière. En Afrique australe, nous avons annoncé la fin de l’épidémie de poliovirus sauvage importé de type 1 (PVS1) déclarée en 2022. Les initiatives rapides et coordonnées menées par le Malawi, le Mozambique et des pays voisins, à savoir la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe, incitent également à l’optimisme. Ces réalisations mettent en évidence la force de l’action commune, la résilience de nos communautés et le dévouement inébranlable des agents de santé de première ligne.
Les données confirment également ces résultats. En comparant les données de 2023 et de 2024 (au 31 août de chaque année), on constate que les détections de poliovirus circulant dérivé d’une souche vaccinale ont diminué de 96 %, tandis que les détections de poliovirus circulant dérivé d’une souche vaccinale de type 2 ont chuté de 65 % dans la Région africaine.
Il est important de reconnaître que les pays du Sahel et du bassin du lac Tchad se sont aussi unis pour relever un nouveau défi pressant : la transmission continue de la variante circulante de la poliomyélite de type 2 (PVDVc2). En dépit des efforts considérables déployés, le virus persiste dans ces régions, alimenté par des facteurs tels que l’insécurité, l’accès limité aux soins de santé et les nombreux mouvements de population. Pour la seule année 2024, 134 cas de poliomyélite de type 2 ont été détectés (aussi bien dans l’environnement que chez les personnes touchées, à la date du 5 septembre) et notifiés conjointement au Burkina Faso, au Cameroun, en République centrafricaine, au Tchad, au Mali, au Niger et au Nigéria.
Un engagement politique ferme est essentiel à la lutte contre la poliomyélite. Reconnaissant le besoin urgent d’une collaboration renouvelée, en particulier le long des frontières, les dirigeants des pays, l’OMS, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance et d’autres partenaires ont uni leurs forces en juillet et août 2024 pour élaborer un plan de coordination visant à éradiquer la variante du poliovirus dans les pays susmentionnés. Ainsi, près de 70 millions d’enfants des zones à haut risque de ces pays ont été vaccinés depuis le début de l’année.
La vigilance est aussi capitale. Nous devons renforcer la surveillance, en particulier dans les zones peu couvertes, et accélérer notre réponse à tout nouveau cas détecté. Il est par ailleurs important d’intensifier les campagnes de vaccination de qualité.
Le dernier rapport du Comité de suivi indépendant de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite souligne la nécessité de renforcer la participation communautaire. Dans de nombreuses régions, en particulier celles aux prises avec l’insécurité ou celles où prévaut la méfiance, ce sont les agents de santé communautaires qui font la différence entre le succès et l’échec. Nous devons continuer à soutenir ces héros locaux, en veillant à ce qu’ils disposent des ressources et de la formation nécessaires pour administrer à chaque enfant les vaccins qui lui sauveront la vie.
Les avancées rapides enregistrées dans les technologies de diagnostic et de séquençage de la poliomyélite constituent une autre percée remarquable dans nos efforts d’éradication et au-delà. Grâce à la formation continue dispensée dans toute l’Afrique, en particulier en en Afrique du Sud, au Ghana, au Kenya, au Nigeria et en Ouganda, les capacités des laboratoires se sont renforcées. Ces initiatives permettent de détecter et de riposter plus rapidement aux épidémies. Je tiens à saluer ces améliorations, tout en nous invitant à poursuivre sur cette lancée, notamment en adaptant de nouvelles méthodes pour détecter le poliovirus plus tôt et plus efficacement.
Nos objectifs sont clairs. Nous devons rester vigilants grâce à des systèmes de surveillance robustes, riposter rapidement en organisant des campagnes de vaccination de qualité, améliorer la couverture de vaccination systématique et veiller à ce que l’infrastructure du programme de lutte contre la poliomyélite continue à bénéficier à d’autres priorités de santé publique. Les progrès sont réels, mais des revers peuvent survenir lorsque nous sommes moins vigilants.
Au moment où je quitte mes fonctions en tant que Directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, j’appelle tous les gouvernements, les partenaires et les communautés à renouveler leur engagement en faveur de cette cause. Rendons hommage aux professionnels de la santé, aux responsables communautaires et aux familles pour leur dévouement et les sacrifices qu’ils consentent afin de rendre ces progrès possibles.
Notre succès n’est pas seulement celui de l’Afrique, il est celui du monde entier. Avec un élan soutenu, un leadership solide et une solidarité planétaire, un avenir sans poliomyélite est à notre portée. Ensemble, nous pouvons parvenir à un monde exempt de poliomyélite.